FRANCIS Bacon

Éclats d'une vie bien remplie

bacon livre graphique

Des liaisons tumultueuses

Quel joli roman graphique paru aux Éditions Seghers que cette biographie sur la vie du peintre Francis Bacon rédigé par Franck Maubert et illustré, fort joliment, par Stéphane Manel. On note aussi la qualité du papier donnant du grain aux illustrations.  S’y ajoute l’écriture fluide de Franck Maubert, passionné d’art qui rencontra à Londres le célèbre artiste avec lequel il noua une solide amitié. 

C’est donc un témoignage précieux offert aux lecteurs.

Une enfance malheureuse

Francis Bacon, personnage complexe, n’a pas une enfance particulièrement heureuse. Son père, entraîneur et éleveur de chevaux, le maltraite et le rejette à la découverte de son homosexualité pratiquée avec des garçons d’écurie. Asthmatique, les chiens et les chevaux de son entourage familial accentuent ses crises. Profondément marqué par les réflexions de ses parents : « Francis tu es moche et personne ne t’aimera… »  Il est livré à lui-même et grandit solitaire. Sa seule affection est celle de sa nourrice Leslie Lightfoot, qui deviendra une mère de substitution et le suivra tout au long de ses déménagements. En 1926, un « oncle » l’emmène à Berlin et l’initie au Berlin décadent de l’Ange Bleu. Il séjourne à Paris entre 1927-1928 où il apprend les rudiments de la décoration d’intérieur.  De retour à Londres, il conçoit des meubles en verre et tubulure d’acier, des tapis et des paravents mais sans véritable passion. 

Des relations amoureuses toxiques

Bacon découvre le génie de Pablo Picasso, qu’il n’a jamais rencontré, mais dont le travail le fascine, tout comme ceux de Diego Velázquez et Rubens. Pour lui, la peinture est le champ de tous les possibles. En 1933, il entre en peinture comme d’autres entre en religion, avec un tableau La Crucifixion.  Passionné par le jeu, il place des annonces dans le Times comme « jeune homme de compagnie pour messieurs » pour rembourser ses dettes. Une fois célèbre, il dilapide son argent sur les tables de jeu à Monte-Carlo.  Sa relation avec le riche Éric Hall, son amant et premier acheteur, marque le début de ses liaisons tumultueuses. Bacon boit beaucoup et entraîne ses amis dans des pubs minables et des clubs gays. Il se lie d’amitié avec Muriel Belcher, propriétaire du Colony Room Club, qui pose pour lui. Son grand amour, Peter Lacy, ancien pilote devenu pianiste de bar, a une relation toxique avec lui, souvent violente. Lacy boit jusqu’à trois litres de gin ou whisky par jour et le bat fréquemment. Il n’est pas rare que la police de Tanger, où le couple séjourne régulièrement, retrouve Bacon roué de coup et dans le caniveau. Plus tard, le peintre entretient une relation similaire avec George Dyer, un voyou alcoolique.

L’influence du peintre Walter Sickert

En 1963, une photo montre Francis Bacon attablé avec Timothy Behrens, Lucian Freud, Frank Auerbach et Michael Andrews, censés appartenir à l’École de Londres, affiliation que Bacon réfute. Tous sont influencés par Walter Sickert, souvent associé par la rumeur à Jack l’Éventreur. Bacon et Freud se peignent réciproquement, ce qui vaut au triptyque de Bacon consacré à Lucian Freud, d’être le plus cher du monde. L’artiste vit la plupart du temps entre quatre murs, ne quittant son atelier que pour se réfugier dans un restaurant, un pub, ou une salle de jeu.   

Il effectue des allers-retours entre Londres et Tanger où il rencontre Paul et Jane Bowles, ainsi que le sulfureux Williams Burroughs. Le beau Peter Beard, surnommé par Andy Warhol « le Tarzan des temps modernes », devient son ami à Paris. Bacon exécute un triptyque du portrait de Beard, lequel sombrera dans la démence avant d’être retrouvé mort dans la nature après trois semaines de recherches. David Hockney, dont l’univers pictural est à des années lumières de celui de Francis Bacon, dit après avoir vu une exposition du peintre à la Marlborough Gallery « Une chose que j’ai aimée, c’est que l’on sent l’odeur des couilles ». Bacon disait de Hockney « Je vois bien pourquoi il plaît, les gens aiment ses œuvres parce qu’ils n’ont pas à se casser la tête ».

Le 28 avril 1992 Francis Bacon meurt d’une crise cardiaque à Madrid où il rendait visite à son jeune amant espagnol. 

Un beau livre nécessaire et accessible pour comprendre la vie et l’art tourmenté d’un des plus grands peintres du XXème siècle.

Bacon, Éclats d’une vie – textes de Franck Maubert – Illustrations de Stéphane Manel – Éditions Seghers – 240 pages – 24,90 € –  editions-seghers.com 

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