BEAUSÉJOUR
Ou la poésie de la vieillesse
Toutes les photos : © Paul Bourdrel
Les générations unies par la danse
Les Nuits de Fourvière à Lyon ont terminé la saison 2024 avec un chef-d’œuvre absolu : Beauséjour signé du talentueux chorégraphe Mourad Merzouki. Amphithéâtre plein à craquer, succès total avec standing ovation bien méritée de plus de vingt minutes.
Le Général de Gaulle disait à juste titre « La vieillesse est un naufrage. » Il est très difficile d’accepter le temps qui passe, nous blesse et nous diminue. C’est d’ailleurs un thème récurrent et bouleversant dans la littérature ou la chanson française. On se souvient d’Avec le temps de Léo Ferré, ou de Ma jeunesse s’enfuit de Yves Simon, etc. Mourad Merzouki, lui, nous montre le côté joyeux et le « bien vieillir » si cher à certains magazines. De jeunes danseurs, transformés par de faux corps en vieillards, se déplacent d’une manière burlesque qui fait sourire le public. Ce qui n’empêche pas d’admirer la technique parfaite de ces faux vieillards. Comme dans la vraie vie, les générations se côtoient et parfois s’affrontent mais surtout dansent ensemble pour le plus grand plaisir de tous. Les costumes sont réussis et savamment colorés sans lien vraiment dans le temps. Le tout créant des tableaux d’une grande et belle harmonie oscillant entre le vintage et la mode d’aujourd’hui.
Le Hip-Hop a, en la personne de Mourad Merzouki, un ambassadeur de prestige, un chorégraphe qui laissera son empreinte dans l’univers de la danse à la manière d’un Jérôme Robbins, d’un Bob Fosse ou d’un Maurice Béjart. Il se complait dans différents univers ainsi sa collaboration fort réussie avec le Maestro Paul Agnew et Les arts Florissants dans The Fairy Queen de Henry Purcell (voir notre article), annonçait déjà Beauséjour.
Mais que serait Beauséjour sans la musique de Gotan Project qui est en osmose totale avec le thème de la soirée ? On connaît la passion des anciens pour le tango, danse jugée érotique et scandaleuse de par le passé… Les jeunes adeptes de la danse sportive se déchaînent sur les pistes de compétition comme dans le beau film Ballroom Dancing du génial Baz Luhrmann. Les corps, jeunes ou vieux, s’agrippent et les couples évoluent avec une grâce évidente. Le tango revisité par Gotan Project est toujours d’une étonnante modernité. On dirait que la musique fut créée spécialement pour le ballet ce qui n’est pas le cas. Elle nous replonge quelques années en arrière avec un ravissement que l’on avait (presque) oublié.
Ce ballet est béni par les Muses : La Grâce, la Poésie et la Beauté. Mourad Merzouki nous réconcilie avec l’idée de la vieillesse même si ce n’est que pour une soirée mais quelle étonnante et belle soirée !
Christian CHARRAT
nuitsdefourviere.com