charlotte perriand de laure adler
Charlotte Perriand, architecte et visionnaire

Une grande figure de l'architecture
« Ici, on ne brode pas de coussins ». Voici ce que répond Le Corbusier à Charlotte Perriand quand elle sonne à sa porte. Malgré tout, il l’engagera trois jours plus tard. Et reconnaîtra bien des années plus tard, en 1932, « ses qualités exceptionnelles d’invention, d’initiative et de réalisation »… alors que sa signature avait parfois été gommée. Avec ce petit livre de poche qui lui est consacré, Laure Adler rappelle combien cette architecte (1903-1993) fut une grande dame, une inventrice et une visionnaire.
Un Bar sous le toit
Premier exemple, en 1927 : elle est remarquée pour son Bar sous le toit … qui correspond à sa manière de vivre. Elle rencontre ses copains dans les cafés, alors pourquoi ne pas boire à la maison ? Cette innovation témoigne de la façon de procéder, novatrice, de cette vraie bricoleuse. Pour créer, elle répond à des besoins. Comment bien vivre dans de petites surfaces, autre exemple. Elle pense que ce qui est beau n’est pas forcément cher, et se soucie des utilisateurs avec des installations pratiques et fonctionnelles. Ses systèmes de rangement permettent de gagner du temps … et des heures de ménage. Comment ne pas enfermer les femmes dans leurs cuisines ? Voilà cette pièce qui s’ouvre sur la salle à vivre. « Cinquante ans avant tout le monde, Charlotte a inventé le loft » résume la biographe, journaliste et historienne.
Des murs utiles
Elle dévoile les multiples facettes de cette femme libre qui a marqué le XXe siècle. Depuis la rencontre avec Le Corbusier dont le compagnonnage va durer pendant dix ans ; la débutante rejoignant alors le duo qu’il forme avec Pierre Jeanneret, son cousin. Répartition des tâches, au Corbu, les extérieurs, à elle, la conception du mobilier et de l’équipement des habitations. La Cité Radieuse de Marseille -que l’on peut visiter (1) – offre un bel exemple de cette collaboration. Regardez ces murs utilitaires composés de rangements … imaginés en 1947 !
Des toits végétalisés
Après la guerre, Charlotte Perriand rebondit surtout à la montagne. Fille de couturière, mais petite fille de paysan, elle est restée à l’écoute de la nature. C’est dans les Alpes qu’elle imagine le double vitrage, les toits végétalisés, l’architecture intérieure de petits volumes pour des loisirs en altitude.
Elle a mis l’homme au cœur de chaque conception, pensé l’espace comme une continuité de l’intérieur vers l’extérieur… Baptisée Charlotte for ever, lors de la Fiac 2017, la nonagénaire, toujours jeune d’esprit, rectifiait à la veille de sa mort en 1998 : « je ne suis pas architecte, mais j’aime l’architecture et je l’ai apprise. Designer non, parce que je ne crée pas un objet pour un objet. Je ne le crée que si j’en ai besoin. Marginale, voilà.» Mais tellement actuelle !
Isabelle BRIONE
Charlotte Perriand de Laure Adler. 155 pages. Folio. 8,50 €.