Christian Lacroix en scène - moulins
Christian Lacroix au Pays d'art et d'histoire

Fidèle aux traditions populaires du Sud
Le couturier arlésien a toujours été passionné par le théâtre. Le Centre National du Costume et de la Scène de Moulins lui rend hommage en présentant 140 pièces créées entre 2007 et 2024, ainsi qu’une foule de dessins et de maquettes. N’oublions pas que, s’il a obtenu deux Dés d’or en haute couture (un pour la maison Patou, un pour Lacroix), le styliste a aussi reçu deux Molière (pour Phèdre en 1995 et Cyrano en 2006).
Passion costumes
Il le confie simplement dans la vidéo qui ouvre l’exposition : « j’ai été couturier par accident » … (de 1987 à 2009). Sa passion, c’est le costume. « J’avais le théâtre dans les tripes par peur de la vraie vie ». Et un goût pour le dessin, aussi, glisse celui qui « ne sait pas coudre » : « c’était une barrière. Quand je dessinais, on me laissait tranquille ». Sa chambre est devenue son théâtre. Il faut voir la vitesse avec laquelle il trace une silhouette, toujours féminine.
Naturellement donc, le CNCS a choisi ce thème pour ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire qui le lie à celui qui est aussi, son président d’honneur.
Exubérance et détails
La déambulation suit d’abord un fil chronologique. Elle montre combien son inspiration est imprégnée par la relecture du passé et la réinterprétation de l’histoire de la mode, de la Renaissance au XIXe siècle. Le visiteur est happé par l’exubérance et les couleurs, mais aussi le sens du détail et les patines. Elles témoignent de la profonde connaissance de l’auteur, … nourrie par son immense bibliothèque iconographique. Il faut voir la précision des lignes vestimentaires de la Renaissance et leurs textiles riches et colorés (La Vie de Galilée et Lucrèce Borgia), ce qui n’empêche pas l’ajout d’éléments contemporains (Roméo et Juliette). Ici les volumes et ornements du Bourgeois gentilhomme ; là, l’esthétique extravagante des Noces de Figaro, et parfois la récupération d’éléments déclassés (Le Postillon de Lonjumeau), … une transmission qui donne aux spectacles ce supplément d’âme auquel tient tant le créateur.
Racines du Sud
Il y a aussi ses racines. L’Arlésien a été bercé par les références antiques de cette ville gallo-romaine fondée par les Grecs. Une imagerie de la mythologie est à retrouver dans Polifemo (une de ses dernières créations 2024 à l’Opéra Royal de Versailles). Il y a aussi ses sujets de prédilection comme les traditions populaires du Sud, des santons à la tauromachie, visibles dans les Noces de Figaro. L’imagination, le mélange des folklores et le patchwork des civilisations font naître des silhouettes chamarrées et fantasques à retrouver chez Madame Butterfly ou Cendrillon.
A côté de ces bouquets composites et hétéroclites, les mariées -personnages clés des défilés- s’invitent elles aussi dans le décor. « J’aime être dirigé par la main du metteur en scène, transformer les choses. Je travaille à partir de photos, mais la vraie création se fait dans les ateliers » souligne le septuagénaire.
Un final haute couture
Il offre au visiteur un final époustouflant, Anges et Démons, dans une salle /cathédrale, où l’on croise au côté du pape et de prostituées, des momies enluminées (Roméo et Juliette) et des anges (Aida) en passant par les trolls de Peer Gynt. Il permet aussi d’approcher le Tyvek, un matériau non tissé qui permet des bouillonnés légers mais spectaculaires. Une immersion spectaculaire dans l’univers éblouissant d’un costumier hors du commun.
Au rez-de-chaussée, on retrouve le Christian Lacroix décorateur : il a signé en 2012 la décoration du café/brasserie. À l’occasion de cette exposition, la moquette a été renouvelée à partir d’une nouvelle création. Même si ce n’est pas clairement indiqué dans le parcours, il ne faut pas rater le programme vidéo d’extraits de spectacles et d’interviews proposés en continu dans l’auditorium.
Et aussi …
Un conseil : profitez de votre déplacement pour jeter un coup d’œil sur le magnifique écrin de cette exposition, son bâtiment. Une ancienne caserne datant du XVIIIe siècle, sauvée in extremis de la démolition en 1984. Dotée d’un majestueux double escalier en pierre de taille en grès de Coulandon et pierre volcanique, elle a été réaménagée par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Et n’oubliez pas l’extérieur avec le jardin de la Licorne, élaboré avec le concours de l’artiste Marie-Ange Guilleminot.
Isabelle BRIONE
Christian Lacroix en scène – jusqu’au 4 janvier 2026. Centre National du Costume et de la Scène, quartier Villars, route de Montilly, Moulins (Allier). Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h. Plein tarif : 9 €. Supplément visite guidée : 5 €. Audioguide : 2 €. Informations : 04 70 20 76 20. Site : www.cncs.fr





