Dites-lui que je pense à elle
Bruce Toussaint mène l'enquête
Un crime "passionnel"
Bruce Toussaint est bien connu des spectateurs de TF1 avec son émission quotidienne Bonjour ! La matinale TF1. Il a commencé sa carrière au groupe Canal +. Journaliste et animateur de télévision, il écrit aujourd’hui un livre bouleversant sur l’assassinat de sa cousine Nathalie âgée de 14 ans, poignardée à de multiples reprises par un homme de 29 ans. Depuis les faits divers l’ont toujours intéressé. Il a même participé à un casting en 2023, pour présenter l’émission Faites entrer l’accusé. À travers Dites-lui que je pense à elle, il nous raconte le drame familial qui a frappé sa famille en 1984. Il avait 11 ans et n’a jamais pu l’oublier.
La nostalgie rend amnésique
C’est en ouvrant un tiroir dans la maison à Dieppe de sa grand-mère paternelle disparue, qu’il retrouve une coupure de presse de « Paris-Normandie ». Le journal rend compte de l’audience d’un procès. Un homme a été condamné à quinze ans de réclusion pour avoir assassiné une adolescente de 14 ans, le 18 octobre 1984…
Il nous raconte alors son enfance heureuse dans les années 80 aux côtés de sa grand-mère adorée, Colette. Ensemble, ils vont au cinéma et regardent l’émission culte de Pierre Tchernia, Mardi Cinéma. Ils aiment aussi les émissions télévisées de Jacques Chancel, Bernard Pivot, Jacques Martin. Sa grand-mère lui transmet aussi le goût de la musique au travers d’une grande collection de 45 tours. Il compare sa relation avec elle avec celle de Sophie Marceau et de Denise Grey dans le film La Boum. Le cerveau est ainsi fait qu’il n’est pas rare d’omettre le pire pour ne garder que le meilleur. La nostalgie rend amnésique.
Du bonheur à l’horreur
Il évoque aussi Dieppe et ses environs dont la petite ville de Penly en Seine-Maritime qui devient célèbre en 1980 avec la construction d’une centrale nucléaire. Le chômage explose, les usines ferment les unes après les autres ; un adulte sur quatre n’a pas de travail.
La famille de sa tante Nelly qui a trois enfants dont Nathalie, vit à Penly avec un seul salaire. Le père fait la connaissance à la centrale où il travaille comme grutier, d’un couple Mouloud et Martine Cette dernière a un frère de 29 ans, introverti dépressif et qui a peur des femmes. Il tombe pourtant amoureux de Nathalie et espère la séduire malgré la différence d’âge… Mais elle se refuse à lui et, blessé dans son orgueil de mâle, il la tue de 10 coups de couteau. Si elle n’est pas à lui, elle ne sera à personne. Rapidement arrêté, son procès ne durera que six heures.
Un retour en arrière déstabilisant et violent
Bruce Toussaint se replonge avec talent dans les méandres de ce drame familial et enquête avec précision malgré l’émotion que l’on devine. Il trouve des coupures de presse jaunies de ce que l’on définit à l’époque comme un crime passionnel. Le mot fémicide n’a pas encore fait son apparition. En 1984, il y avait seulement 3000 plaintes pour viol. On en parlait pas. Pour la seule année 2023, 114 000 plaintes pour viol sont enregistrées. La police n’est pas toujours bien formée pour l’écoute de ces femmes (cela change enfin aujourd’hui). Mais il est terrifiant de constater qu’en 2024, 118 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon et dans des conditions atroces. On ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue pour Marie Trintignant, morte sous les coups violents de Bertrand Cantat.
A travers cet hommage à l’enfant martyrisé, Bruce Toussaint dresse un portrait choc sur la notion de féminicide à une époque où ce genre de drame ne provoquait pas d’indignation générale. Un témoignage poignant qui fait froid dans le dos, et pour l’auteur, une catharsis.
C.C
Dites-lui que je pense à elle – de Bruce Toussaint – Éditions Stock- 160 pages – 18,50 € – editions-stock.fr