ECSTAZY AND ME
Hedy Lamarr,la beauté doublée d'une inteligence supérieure

La femme aux six maris
Les Éditions Séguier se définissent comme éditeur de curiosité et ont parfaitement raison car leurs publications fruits de recherches, souvent retiennent l’attention des lecteurs. La preuve avec l’autobiographie de l’actrice de cinéma Hedy Lamarr, qui arrive en deuxième position au Panthéon des plus belles actrices de Hollywood après « La Divine » Greta Garbo. Son nom ne dira certainement rien à la génération Tik Tok, mais ses mémoires raviront les cinéphiles de tous âges. Contrairement à l’adage qui dit « Sois belle et tais-toi », elle était non seulement très belle mais supérieurement intelligente.
Hollywood- Moderne Sodome et Gomorrhe
Le livre s’ouvre par une préface intéressante de Clémentine Goldszal. Hedy Lamarr avait cinquante et un an quand elle rédigea son autobiographie avec une franchise étonnante. Voilà une femme qui a eu six maris, toujours insatifsaits et dépassés par le tempérament volcanique de leur très belle épouse. Il est vrai qu’elle commence sa biographie en confessant que le sexe a joué un rôle prépondérant dans sa vie. Au fil des pages, elle se qualifie elle-même, de nymphomane… Il est vrai que Hollywood, du temps des grands studios de cinéma, était une Sodome et Gomorrhe du 19ème siècle et les services de presse des studios avaient forte affaire pour étouffer tous les scandales sexuels de leurs stars. Il suffit de lire Hollywood Babylon de Kenneth Anger paru aux Éditions Tristram. À l’époque, il était courant d’obtenir un rôle contre des faveurs sexuelles. Elle ne céda jamais au chantage ne faisant pas de concession en matière de sexe. Mais elle reconnait que le sexe n’a pas toujours été une partie de plaisir. Elle connut différents genres d’hommes, de l’impuissant jusqu’au sadique adepte du fouet, l’un de ses maris est allé jusqu’à amener leur femme de chambre, dans le lit conjugal, alors qu’il la croyait profondément endormie ! Un autre mari dont elle dit qu’il était très beau mais diabolique et dont elle taira le nom, avait fait fabriquer une poupée de latex très réaliste et lorsque son épouse se refusait à lui, se mettait en scène avec sa poupée forçant sa femme a assister à ses ébats… Elle fut éveillée à la sexualité et bisexualité dès son plus jeune âge (9 ans). Toute jeune, elle est aussi très troublée par le charme du père de Romy Schneider, le très charismatique Wolf Albach-Retty. Elle ne cache pas son attirance pour les femmes. On l’aura compris, c’était une femme libre bien avant l’heure…
Une enfance très heureuse
Il est vrai que la jeune Hedwig Eva Kiesler avant de devenir Hedy Lamarr est née dans une riche famille autrichienne, son père est le directeur de la Banque de Vienne et sa mère pianiste délaisse sa carrière pour se consacrer à sa fille, leur petite princesse. En 1929, elle dilapide son argent de poche pour s’évader via les magazines consacrés au cinéma et ses stars. Elle ose pousser la porte des studios de cinéma Sascha où on lui fait passer un essai mais il lui faut obtenir l’autorisation de ses parents pour devenir actrice. Ne pouvant résister à leur fille chérie, ils donnèrent leur accord. Enfin, à Berlin, on lui propose le rôle principal dans le film Extase. Film qui sera censuré aux États-Unis car elle y apparaît nageant nue dans un lac et simulant un orgasme… Cependant, le film fait sensation et lui apporte à 19 ans, la célébrité. Elle fascine l’un des hommes les plus riches du monde, Fritz Mandel, propriétaire de la fabrique de munitions Hirtenberg qui l’épouse. D’une jalousie maladive, il la séquestre dans leur immense château, la couvre de bijoux, lui offre sept voitures et lui impose des dîners avec les dictateurs Mussolini et Hitler, qu’elle qualifie de goujats. Il essaie de racheter toutes les copies du film Extase ne souhaitant pas que l’on voit son « trophée » nu…Elle réussit à lui échapper par l’entrée des domestiques, en droguant sa femme de chambre et en portant ses vêtements et fini par obtenir le divorce. Elle vend ses bijoux et s’installe à Londres.
Débuts à Hollywood.
À Londres, un impresario américain, lui demande si elle accepterait de rencontrer Louis B Mayer, le nabab de la MGM qui a sous contrat « La Divine » et difficile, Greta Garbo. Elle refuse le contrat que lui propose Mayer qui n’est pas assez élevé. Regrettant son refus, elle s’embarque sur le paquebot que prend Mayer pour regagner Hollywood. Très intéressé par sa beauté et son potentiel, il accepte de la prendre sous contrat et d’augmenter son salaire sous réserve qu’elle prenne des leçons d’anglais. C’est aussi lui avec Howard Strickland qui lui trouva le nom de Hedy Lamarr, en hommage à l’actrice Barbara La Marr, qui était aux yeux de Mayer, la plus belle femme du monde. L’acteur français Charles Boyer qui connaît un grand succès à Hollywood, l’impose dans le remake de Pépé le Moko avec Jean Gabin et Irène Balin, Casbah. C’est un énorme succès, sa carrière est lancée en Amérique ! Elle décline la proposition d’Otto Preminger de tourner dans Laura, chef d’œuvre absolu du 7ème Art. Le public aime sa beauté glaciale et son allure distinguée sans se douter que sous la glace bout un corps tourmenté par les plaisirs de la chair.
Bien que n’ayant pas joué que dans des bons films, Mayer mise beaucoup sur elle et va jusqu’à engager Josef von Sternberg, réalisateur qui révèle et sublime par le biais de sa caméra, une allemande potelée, Marlène Dietrich. Malgré les efforts du de la MGM, elle n’obtiendra jamais la célébrité et reconnaissance de Garbo. Le désœuvrement est la source de la plupart des problèmes que rencontrent les célébrités d’Hollywood. Mais que fait-elle quand elle ne tourne pas ? Elle se marie et souvent. Elle adopte un garçon et a deux enfants avec un de ses nombreux maris, John Loder. Nous n’évoquerons pas ses mariages et ses échecs ni sa filmographie plus en détail, il faut lire cette biographie passionnante. Il faut juste préciser que cette femme qui dépensa trente millions de dollars au cours de sa vie, se retrouva ruinée, expulsée de sa maison et accusée de vols à l’étalage… Elle avoue n’avoir réalisé la valeur de l’argent que lorsqu’elle en manquait. Elle prend la nationalité américaine et récolte au moment de la Seconde Guerre mondiale, 25 millions de dollars d’obligations de guerre en se rendant dans de nombreuses villes américaines, et promeut des lettres de soutien pour les GI.
Un oubli de taille : ses recherches scientifiques
Ce qui surprend dans ce portrait foisonnant d’anecdotes « croustillantes » c’est qu’à aucun moment, elle ne parle de ses recherches et inventions, n’oublions pas que la belle est fort intelligente. Alors que l’Europe est en guerre, elle rencontre George Antheil, un pianiste passionné d’armements lors d’une soirée mondaine. Puisque Hedy en connaît un rayon sur le sujet, tous deux partagent de longues conversations, deviennent proches et commencent à imaginer ensemble un système de cryptage des communications qui pourrait être une solution aux détournements des torpilles radioguidées.
Ce système se base sur l’étalement de spectre par évasion de fréquence : grâce à un émetteur-récepteur, une torpille peut ainsi changer de fréquence de transmission, ce qui lui permet de ne pas être détectée par les radars.
En 1941, Hedy Lamarr et George Antheil déposent un brevet pour leur invention, intitulé « Secret communication system », mais ce n’est que 21 ans plus tard, pendant la guerre du Vietnam et la crise des missiles de Cuba, que l’armée américaine commence à s’y intéresser, puis par la suite les concepteurs d’appareil à transmission sans fil, lorsque le brevet tombe dans le domaine public.
Ce n’est qu’à la fin de sa vie que Hedy Lamarr a l’occasion de voir son système mis à profit dans la sécurisation des techniques de base des signaux Wi-Fi et Bluetooth ou encore la géolocalisation par satellite permettant le fonctionnement des GPS. Hedy Lamarr est récompensée d’abord en 1997 par le prix de l’Electronic Frontier Foundation, puis en 2018, reconnaissance posthume donc, par l’Autriche, pour sa contribution scientifique. La ville de Vienne a donné son nom à un prix de l’innovation orienté vers la reconnaissance des femmes œuvrant pour les nouvelles technologies.
Elle meurt le 19 janvier 2000 à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.
Christian CHARRAT
Ecstazy and me de Hedy Lamarr – Éditions Séguier – 432 pages -16,90 € – editions-seguier.fr