l'édito

de Christian Charrat

24

images secondes

Ou comment le rêve devient réalité

Photos : © Netflix

Le mythique Festival de Cannes cru 76ème édition vit une pluie d’influenceurs s’abattre sur le tapis rouge telle la pluie de sauterelles qui s’abattit sur l’Égypte dans Les 10 commandements film de Cecil B. DeMille. C’est un événement réservé (à priori) à des professionnels du cinéma et non à des gens qui pense que Kaurismäti est un shampoing et Roger Corman, une marque de crème dépilatoire… Tout comme les selfies, le festival devrait trier ses invités et interdire des gens qui ne sont là que pour se regarder le nombril et non l’écran.

Nous sommes en France et la Palme d’Or remise par la spectaculaire Jane Fonda (85 ans) fut attribué à la française Justine Triet et s’est terminé en revendication… sur les retraites ! À chaque manifestation de prestige en France, on a des gens qui prennent la parole contre tout et n’importe quoi ! On peut rappeler à cette réalisatrice, qu’elle peut se rendre dans les bureaux de vote au bon moment et ne pas donner l’image aux télévisions du monde entier, que la France n’est rien d’autre qu’un pays de râleurs et fainéants.

Cet événement d’envergure qui éblouit depuis 76 ans la planète entière, est géré d’une main de fer dans un gant de velours par la société Tournée Générale et est placé sous la haute autorité de l’élégante Iris Knoblock. La sélection et la direction générale est confiée depuis des années, au sémillant Thierry Frémaux. 

Plutôt que de se lancer dans un récapitulatif des films projetés à Cannes au cours de ce 76ème festival qui fut couvert par tant de médias.  On préfère se replonger dans ce qui fait que le cinéma occupe une si grande place dans notre vie.  On ne va pas retracer l’histoire de la création d’Hollywood, il suffit de lire Hollywood Boulevard de Mélanie Benjamin paru aux Éditions Le livre de poche, pour savoir comment Hollywood a bâti sa légende et son succès. On peut aussi se plonger dans la série passionnante de Netflix : Hollywood.   On commence par les stars qui font toujours rêver les foules sentimentales mais celles-ci ne seraient rien si elles n’avaient pas croisé des réalisateurs de génie qui surent déceler en eux (elles) une personnalité et une photogénique exceptionnelle. « La Divine » Greta Garbo doit sa gloire à Mauritz Stiller.  Sa concurrente était alors Marlène Dietrich qui elle, doit sa transformation à Joseph von Sternberg qui la déifia dans The Blonde Venus ou Shanghai express.  Que dire de Marilyn Monroe ? Tout a été écrit sur cette malheureuse et géniale actrice, à fleur de peau dans Bus Stop de Joshua Logan, elle éclaire le film par son interprétation remarquable. On ne peut oublier Brigitte Bardot dont l’actrice Julia de Nunez est un ersatz grassouillet dans la série Bardot signée Danièle et Christopher Thompson.  

Les hommes ne sont pas en reste sans remonter jusqu’à John Gilbert qui avait une voix de fausset et passe mal le cap du cinéma parlant à l’inverse de sa fiancée putative, Greta Garbo qui avec sa voix grave et son sublime visage fascina le monde entier.  On ne peut passer à côté de l’ambiguë James Dean magnifié par les réalisateurs Nicholas Ray et Élia Kazan et mort trop tôt dévoré par son goût pour la vitesse. Marlon Brando, acteur habité, très sensuel, très proche de l’acteur français Christian Marquand, deviendra un vieil homme obèse cerné par les drames.  Hollywood broie aussi parfois, les monstres sacrés qu’elle a engendrés, il suffit de lire Hollywood Babylon II de Kenneth Anger paru aux Éditions Souple (en anglais, il existe une version Hollywood Babylone en français mais incomplète). Que dire du très élégant acteur Cary Grant qui bien que marié cinq fois-dont Barbara Hutton, la femme la plus riche du monde et qui mourut avec 3 dollars sur son compte en banque reste très proche de l’acteur Randolph Scott avec qui il cohabita longtemps. C’était le duo viril le plus glamour de la colocation cinématographique.  

Mais que seraient ces hommes et ces femmes sans l’œil avisé des réalisateurs de talent qui leur donnèrent une chance.  On ne peut les citer tous mais on commence avec Orson Welles, qui teint les cheveux de sa voluptueuse épouse Rita Hayworth en blond platine et cette dernière accouche d’un chef-d’œuvre, La dame de Shanghai, George Cukor qui lui transforme l’élégante Katharine Hepburn en garçon dans Sylvia Scarlett. George Mankiewicz, qui faillit ruiner la Twenty Century Fox avec son Cléopâtre « pharaonique ».  Il y eut, bien sûr, les Italiens avec Vittorio de Sica, Roberto Rossellini, le très aristocratique Luchino Visconti et bien sûr, le très habité Federico Fellini qui donna naissance à un adjectif : Fellinien. N’oublions pas le très cynique Alfred Hitchcock qui terrorise Tippi Hedren qui refuse ses avances sur le tournage de Les Oiseaux et le perfectionniste Stanley Kubrick.  La liste de tous ces réalisateurs doués est très longue et non exhaustive.

Pas de film sans musique, ce serait impensable ! Comment oublier Camille de George Delerue du film Le mépris de Jean-Luc Godard et la sublime chanson du film Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli What is a youth, composé par l’ami de longue date de Federico Fellini, l’irremplaçable Nino Rota.  Pas de westerns sans Ennio Morricone ou Michel Legrand et son magnifique Windmills of your mind dans L’affaire Thomas Crown.  Mais quand la musique est le moteur d’une comédie musicale, c’est là le constat que le bonheur existe même furtivement.  On pense à Funny Face avec Kay Kendall, Audrey Hepburn et Fred Astair.  Que dire de West Side Story sur la musique de Léonard Berstein ?  Rien, on se contente de taper du pied sur le sol en rythme et de savourer chaque minute. Bob Fosse, fantastique chorégraphe et réalisateur nous offrit le décadent mais magique Cabaret avec une Liza Minnelli inoubliable dans le rôle de Sally Bowles.  On ne peut passer à côté et du même auteur, de Sweet Charity avec les ballets The aloof suivi de The heavyweight qui évoquent ce qu’est la jet-set pour ceux qui ne l’ont jamais côtoyé. Le roi du cinéma espagnol Pedro Almodovar, lui, mélange toutes les références et propose Lo Dudo de Los Panchos dans la scène finale bouleversante de La loi du désir chef-d’œuvre absolu. Sans oublier la cumbia dans une fête foraine du film cathartique, Vies brûlées de Marcelo Pineyro et inspiré d’une histoire vraie. 

Le cinéma inspire, émeut, éblouit, bouleverse voire scandalise.  On pense à la magnétique Charlotte Rampling dans le sulfureux Portier de Nuit de Liliana Cavani. Mais que serait la vie sans ces 24 images secondes qui sont une nécessité absolue pour s’évader d’un quotidien de plus en plus laid, vulgaire et noyé sous des flots de violence et de bêtise ?