Enfin ! Les mémoires de Robert Evans

The Kid Stay in the Picture

Il se marie sept fois

Après le festival Lumière de Lyon, on s’est intéressé aux biographies et autobiographies de stars : Initials BB de Brigitte Bardot (Grasset), Seule de Lauren Bacall (Michel Lafon), Sonny Boy d’Al Pacino (Seuil), Roman de Roman Polanski (Fayard) Paul Newman (La Table Ronde), le pavé sur Marlène Dietrich par sa fille Maria Riva (Flammarion), Ecstasy and me (Hedy Lamarr (Séguier), la liste est longue et non exhaustive… Il faut admettre que les mémoires du producteur de cinéma hollywoodien Robert Evans, publiées par les Éditions Séguier, est la meilleure autobiographie de toutes. Ces mémoires-là on ne les lit pas, on les dévore !

Le garçon reste sur la photo

Le titre original est The Kid stays in the Picture, c’est un pavé que l’on a du mal à lâcher. Le livre a d’ailleurs été classé « Best of the Best Autobiography » par le prestigieux magazine Publishers Weekly malgré sa conclusion à l’image de l’auteur : « bien les emmerdez, les emmerdez tous… ». 

D’acteur, il devient producteur sans aucune expérience

Voilà un homme qui grâce à sa beauté (il se marie sept fois !), commence comme acteur avec comme partenaire, rien de moins qu’Ava Gardner surnommée Le plus bel animal du monde. Il se rend compte que s’il aime le cinéma, il n’aime pas être acteur. Ce qui l’intéresse c’est la production de films et quels films ! Pourtant le plus célèbre d’entre tous, Le Parrain, connaitra des débuts difficiles, avec un Marlon Brando au plus bas de sa popularité, un Coppola en pleine dépression et en prime des menaces de mort émanant de la mafia newyorkaise qui ne voulait pas d’un film qui parlait d’eux…Après de longues négociations, Evans obtient un accord et le tournage peut commencer. Plus tard il est mis sur écoute par J.E Hoover, directeur puissant du FBI car il fréquente les casinos sous la tutelle des mafieux. Joueur compulsif, accro au sexe et à la cocaïne, il écrit : « La cocaïne délit les langues mais ramollit les bites ».  Ça ne l’empêche pas d’acheter un kilo et demi de cette drogue et de se faire arrêter. Aimant le faste, il loue puis achète la somptueuse propriété Woodlands à Beverly Hills dans laquelle se réfugiait « La Divine » Greta Garbo qui résidait là quand elle était à Hollywood. 

Hollywood, ville envahie de producteurs de cocktail

Ayant tout connu, de la célébrité à la dèche totale, il se livre dans ces 576 pages sur l’envers du décor de Hollywood. Il fait pénétrer le lecteur dans cet univers impitoyable mais se décrit en toute sincérité sans pudeur, ni langue de bois. Il affirme qu’Hollywood est envahi de « producteurs de cocktail » Il en compte plus que les membres de la police de Los Angeles. Il déclare son amour à son fils unique Joshua qu’il a eu avec l’actrice Ali MCGraw, vedette de Love Story qu’il produit. Il détaille ses conflits avec Francis Ford Coppola, Mickey Rourke, Sharon Stone. Il a un solide clan d’amis qui ne sont autres que Warren Beatty, Jack Nicholson, Roman Polanski. Parvenu à la direction de Paramount qui est mourante à son arrivée, il propulse celle-ci au sommet engrangeant des millions de dollars de recettes. C’est un autodidacte instinctif qui suit les productions du début à la fin, il assiste aux tournages et même aux montages. Il produit parfois jusqu’à dix films en même temps et passe sa vie au téléphone. On lui doit des chefs-d’œuvre tels que Le Parrain, Cotton Club, Chinatown, Rosemary’s Baby, etc.  Il connaît l’échec avec le film Popeye

La rencontre avec un certain John F. Kennedy

Dans sa folle jeunesse, il rencontre de manière fortuite, un certain sénateur John F. Kennedy qui lui dit au cours d’un déjeuner : « Le pouvoir des mots est bien plus fort que celui des muscles ».  Il le retrouve, quelques années plus tard, avec sa femme Jackie à la Maison-Blanche, car le jeune sénateur est devenu Président.

Suite au stress lié à son activité et sa consommation régulière de cocaïne, il atterrit régulièrement aux urgences. Il s’éteint le 26 octobre 2019 à l’âge de 89 ans.

Le cinéma est une histoire d’ombres et de lumières. Il y a ceux qui font les films et ceux qui, en coulisses, les rendent possibles, mettent toute leur énergie et leur conviction pour que le mot « Moteur ! » soit un jour prononcé. Robert Evans est l’un de leurs plus flamboyants représentants et reste surtout le dernier des grands producteurs du cinéma américain.

Christian CHARRAT

Mémoires – Robert Evans – Éditions Séguier – 576 pages – 24,90 € – editions-seguier.f