erwin blumenfeld

Les Tribulations
d'Erwin Blumenfeld

1930 - 1950

Photo © Erwin Blumenfeld – Double autoportrait à la Linhof, Paris, 1938

Un destin
bouleversé

S’il y avait une exposition à ne pas manquer c’était bien celle consacrée à l’immense Erwin Blumenfeld qui se tenait au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris.

 

Son œuvre de photographe de mode marqua les esprits et certains de ses clichés sont devenus célèbres, entre autres : Lisa Fonssagrives sur la Tour Eiffel.  Sa collaboration avec les magazines Harper’s Bazaar et Vogue reste encore dans les esprits de tout passionné de mode. Son importance dans le milieu de la photographie de mode est tout aussi primordiale que celle de Richard Avedon ou Irving Penn.  Il sera l’un des précurseurs de la couleur.

 

Mais est-ce que tous les gens de la mode connaissent l’autre partie de sa vie, nettement moins glamour que ses clichés ?

 

Entre son installation à Paris en 1936, et les débuts de sa carrière américaine, après1941, Erwin Blumenfeld (Berlin, 1897 — Rome, 1969) voit son destin, tant artistique que personnel, bouleversé. Sa plongée dans l’effervescence artistique de la capitale et l’univers de la mode est brutalement interrompue par la défaite de 1940. Il connaît l’errance, l’internement comme « étranger indésirable » dans plusieurs camps français avant d’obtenir un visa pour les États-Unis. Embarqué sur le Mont Viso, il doit encore subir l’enfermement avec sa famille dans un camp français au Maroc. Blumenfeld traverse cette tourmente comme nombre d’artistes juifs, mais peut se réfugier in extremis aux États- Unis, où il renoue immédiatement avec l’industrie de la mode.

Erwin Blumenfled - Bijoux Boucheron pour Vogue

Photo © Erwin Blumenfeld – Bijoux Boucheron pour Vogue

Solarisation & rétriculation

Après des débuts dadaïstes, marqués par des photomontages politiques prémonitoires et effrayants sur le nazisme, Blumenfeld réussit a construire une œuvre éloignée des troubles du temps. Chaque artiste a son univers dans lequel il se sent à l’aise et peut se réfugier pour fuir une réalité brutale. Cependant par ses montages et clichés, il dénonce ouvertement un dictateur qui bouleversera l’ordre mondial.  Richard Avedon avait lui aussi dénoncé par un cliché, la collaboratice reconnue qu’était Coco Chanel, en la faisant poser devant un panneau vantant les mérites du IIIème Reich.

Blumenfeld utilise les techniques adoptées notamment par les tenants de la « Nouvelle vision », tant lors de la prise de vue qu’en laboratoire : solarisation, réticulation, surimpression, miroirs et jeux optiques, jeux d’ombres et de lumières forment pour lui une grammaire au service d’une image où la beauté et le nu féminin occupent une place centrale.

Lorsque la beauté et le talent s’unissent par des clichés pour dénoncer des dérives on se doit de rendre hommage à leur auteur, en l’occurrence, Erwin Blumenfeld, à jamais dans nos mémoires et rétines.

C.C

Catalogue : Les Tribulations d’Erwin Blumenfeld, 1930-1950. Sous la direction de Nadia Blumenfeld-Charbit, Nicolas Feuillie et Paul Salmona – Coédition mahJ
Rmn-GP  240 pages – 200 illustrations 21,6 x 27,5 cm ; relié : 42 €

Photo 1 : © Erwin Blumenfeld – Autoportrait dans le studio de la rue Delambre
Photo 2 : © Erwin Blumenfeld – Hitler, Grauenfresse
Photo 3 : © Erwin Blumenfeld – Le Minotaure ou le Dictateur, Paris, 1937
Photo 4 : © Erwin Blumenfeld – Sans titre
Photo 5 : © Erwin Blumenfeld – Lisa Fonssagrives sur la tour Eiffel, Paris 1939

ERWIN BLUMENFELD​

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