ET SHANGAI DEMEURE
Un échange post mortem intense
Couverture : © Paulsen
Un voyage dans le temps
À l’instar d’Isabelle Adjani qui met en scène un dialogue avec Marilyn Monroe dans sa pièce Le vertige Marilyn. Marie-Astrid Prache qui vécut successivement à Moscou et Minneapolis et enfin à Shangai, ville qui la fascine et où elle trouve l’oubli après une séparation douloureuse. Elle procède de la même manière dans sa narration que l’icône du cinéma français dans son spectacle.
Et c’est à Shangai que Marie-Astrid Prache découvre le portrait d’une femme magnifique. Fascinée par sa beauté, elle enquête et retrouve des carnets intimes et des poèmes de cette belle inconnue. Larissa Andersen est la fille d’un officier du tsar mais Larissa Andersen qui quitta précipitamment Vladivostok en 1922 et sa famille s’est réfugiée à Harbin au nord de la chine avant de rejoindre Shangai. Très belle, aimant danser et dotée d’une belle plume, elle est aussi poétesse. Elle se doit de survivre aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale et du conflit entre le Japon et la Chine. Les japonais violent jour et nuit des milliers de femmes chinoises et coréennes pour assurer le bon équilibre des soldats japonais et ce sur une période de huit ans. La ville compte alors cent cinquante maisons de « réconfort… »
La passion de la danse de la belle Larissa lui sauve la mise. Elle échappe à la prostitution en devenant danseuse de cabaret haut de gamme, ce qui n’empêche guère les gestes déplacés de riches clients mais elle se défend. On y croise des anciens nazis dont la violence ne s’est pas apaisée. Mais ce qui rassemble les deux femmes dans cet échange post mortem c’est la recherche de l’amour, le vrai, le pur. Quête qui pour Larissa passe par différents hommes : Valeri, son premier grand amour, périt au Goulag. S’enchaîne alors, différents hommes de différentes nationalités qui jamais ne l’apaisent et ne la rassurent. L’auteure dresse un parallèle entre sa vie à Shangai, aujourd’hui une mégalopole de 24 millions d’habitants, et celle de la belle artiste muse des poètes russes.
Les deux femmes, nous invitent à un voyage dans le temps et à plonger au plus profond de leurs émotions, mais aussi à découvrir la ville de Shangai à différentes époques. Ce sont deux femmes libres et si cela peut paraître normal aujourd’hui, il faut replacer dans le contexte des années 30 et 40 la place des femmes dans la société où celles-ci avaient peu accès à la liberté. Larissa, dans les années 50, lassée des tracasseries de l’administration de Mao à l’encontre des réfugiés russes finira par quitter Shangai en compagnie d’un français, Maurice Chaize qu’elle accompagnera dans ses périples à travers les Indes, l’Afrique, Tahiti. Dans ses voyages elle collecte des portraits, des photos, des costumes de danseuse et bien sûr écrit des poèmes, autant de témoignages de sa beauté cinématographique à jamais immortalisée sur des photos.
Marie-Astrid Prache écrit fort bien ce qui rend sa description du vieux et du Shangai d’aujourd’hui passionnante. On y découvre non seulement une ville en perpétuelle ébullition mais aussi une femme fascinante dont elle a su capter l’étonnante personnalité. Un bien beau voyage dans le temps en bien belle compagnie.
Et Shanghai demeure de Marie-Astrid Prache -Éditions Paulsen -Collection « Démarches » – 472 pages – 21 € – editionspaulsen.com