Eugène Lami

Pionner des décorateurs actuels

Eugène Lami —Projet pour le salon d’audience du duc de Nemours au palais des Tuileries Vers 1844, Graphite, plume, encre brune, aquarelle et gouache sur papier
© Les Arts Décoratifs / Photo: Jean Tholance

Grand goût Rothschild

Aujourd’hui, les décorateurs sont recherchés pour donner du style à des intérieurs, des hôtels ou des boutiques de luxe. Si dès les années 80, les grands prêtres de la décoration étaient Yves Taralon, Juan Montoya, Christian Liaigre, Philippe Starck, Nigel Coates.  Aujourd’hui, s’y ajoutent Jacques Garcia,Tristan Auer ou encore Anouska Hempel, la liste est longue et non exhaustive.

Mais il faut savoir ce que tous ces gens doivent à Eugène Lami qui fut le premier décorateur de son temps. Le Musée des Arts Décoratifs lui a rendu un hommage touchant et mérité sous l’intitulé : « Eugène Lami 1800-1890) Premier décorateur moderne. » 

Si le grand public ne le connaît pas, il est intéressant de savoir que Eugène Lami orchestre l’aménagement des demeures les plus luxueuses des enfants de Louis-Philippe sous la monarchie de Juillet, puis de la famille Rothschild dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Ses aquarelles, véritables portraits d’intérieurs, traduisent ses recherches pour mettre en scène cet extrême raffinement que l’on nomme aujourd’hui le « grand goût Rothschild ». Il faut lire impérativement La saga des Rothschild de Tristan Gaston-Breton paru aux Éditions Texto, pour comprendre comment la famille Rothschild est parvenu à gagner la confiance des souverains tout en finançant des industries naissantes.  Ils se font construire des résidences somptueuses dont le célèbre château de Ferrières.  Aujourd’hui, reconverti en lieu dédié à divers événements et séminaires, ceux qui l’on connu avant cette reconversion « alimentaire », pouvaient ressentir à travers les différents salons, même vides, la puissance de cette famille. En fermant les yeux, on pouvait imaginer les grands bals et événements qui rassemblaient tout ce que la royauté puis la Café Society qui n’était pas encore devenue la Jet Set comptait de plus brillant. On se précipitait à Ferrières, tout comme à l’Hôtel Lambert à Paris aussi propriété des Rothschild et aujourd’hui, celle de Xavier Neil fondateur de Free. Le parc est un exemple d’Art végétal et d’harmonie apaisante.

Après une enfance parisienne marquée par les revues militaires de l’Empire, Lami apprend la peinture à l’École des Beaux- Arts, dans l’atelier d’Horace Vernet puis du baron Gros où il rencontre l’Anglais Richard Parkes Bonington qui lui enseigne l’aquarelle. Accueilli à la cour de Charles X par la duchesse de Berry, il est ébloui par l’esthétique néo-Renaissance de ces bals qu’il traduit en des œuvres graphiques colorées dès ces années 1820.

Les séjours qu’il réalise en Angleterre à cette période le sensibilisent au décor intérieur, fruit de ses visites dans les demeures aristocratiques, les country houses. Romantique et libéral, il se rapproche de la famille d’Orléans et devient à partir de 1832 le peintre officiel du roi Louis-Philippe mais aussi le professeur de dessin de ses enfants. Reconnu pour ses élégantes scènes de genre et ses peintures de bataille, Lami s’affirme sous la monarchie de Juillet, par ses dessins et ses lithographies, comme le chroniqueur attitré des soirées mondaines et des célébrations officielles. « Poète du dandysme officiel » selon les mots de Baudelaire au salon de 1846, il y déploie son goût pour les décors et les costumes.

Eugène Lami —Projet de décor de plafond pour le salon de la danse du château de Boulogne sur-Seine Vers 1855 Graphite, plume, encre brune, aquarelle sur papier
© Les Arts Décoratifs / Photo: Jean Tholance

En 1844, il réalise les projets pour l’aménagement des appartements des fils de Louis-Philippe, le duc et de la duchesse de Nemours aux Tuileries, puis de son frère le duc d’Aumale à Chantilly. Lami pose dès lors les principes de décoration qu’il développe à peine dix ans plus tard pour les Rothschild : à la fois décorateur, scénographe et agent artistique doté d’une savante culture d’antiquaire, il mêle meubles anciens et créations contemporaines inspirées des styles du passé, déployés au sein d’une profusion de textiles empruntant leurs chaudes couleurs et leurs motifs au siècle de Louis XIV. En 1852, de retour de son exil en Angleterre où il avait suivi les Orléans, Lami est sollicité par le banquier James de Rothschild qui cherche à affirmer sa puissante réussite financière et sociale. La rencontre de ce mécène collectionneur lui permet de tirer son talent vers son apogée et de réaliser des œuvres d’art total dont témoignent les aquarelles du musée des Arts décoratifs.

Au sein d’un historicisme savant conjuguant la Renaissance, le Grand Siècle et le style Louis XV, Lami déploie une chatoyante polychromie des marbres, des dorures, des peintures murales et des textiles, pour théâtraliser des espaces devenus écrins des collections précieuses de ses commanditaires, tout en ayant souci, au sein de ce luxe inégalé, du confort moderne.

Éclipsant les architectes de ces palais, Lami inaugure dès les années 1840 le métier de décorateur d’intérieur dont la figure devient essentielle au siècle suivant et primordiale de nos jours.

C.C

Musée des Arts Décoratifs -107 rue de Rivoli 75001 Paris – Tel : 33+(0)1 44 55 57 50 – Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries – Bus : 21, 27, 39, 68, 69, 72, 95 –
Entrée 14 €

madparis.fr

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