EUGENE MCCOWN
Démon des années folles
Mi artiste, mi gigolo
Jérôme Kagan est un auteur fasciné par les années 20. Il nous fait découvrir à travers les personnages de son livre, la vie à Paris durant cette folle période. La capitale attire des artistes de toutes nationalités. Après avoir narré la vie de Robert McAlmon, il nous livre celle d’Eugène McCown, pianiste et peintre américain qui traverse cette période agitée et décadente en croisant toutes les figures artistiques et emblématiques de l’époque. Il est cependant intéressant de noter que parmi ceux qui ont embrassé l’euphorie des années folles, seuls les plus valeureux et les plus chanceux ont réussi à se construire un avenir…
Une rencontre décisive avec Cocteau
Né le 28 juillet 1898 au Missouri, Eugene McCown est un enfant perturbé. Sa mère est décédée en couche laissant derrière elle deux enfants que l’on place chez un oncle maternel, et un mari accaparé par la gestion de son commerce. Il fait des études de journalisme et plus tard, s’inscrit à l’Art Students League. Après un séjour à Caracas (Venezuela) où il exécute des fresques murales pour le palais présidentiel, il embarque sur un cargo et rejoint la France en 1921, direction Paris où il y retrouve son meilleur ami Virgil Thomson. La capitale alors donne le ton et comme le disait Sacha Guitry « être parisien, ce n’est pas être né à Paris, c’est y renaître ». Avec son physique de mannequin et son opportunisme de gigolo, il traîne à Montparnasse, bouillon de cultures aux mains des artistes et des intellectuels. Il n’a pas de fortune et doit absolument gagner sa vie pour accomplir sa très grande ambition. Sa maîtrise de la langue de Molière et son physique avantageux jouent pour lui lorsqu’il rencontre Jean Cocteau au bar le Gaya. Le bellâtre, dont le magnétisme sexuel semble faire des ravages, sait aussi jouer du piano. Cocteau le prend alors sous son aile. McCown se fait connaître comme pianiste de Jazz au cabaret Le Bœuf sur le Toit, lieu de rendez-vous de Cocteau et ses amis le plus à la mode des années vingt.
Un peintre fort inspiré par le Douanier Rousseau
McCown devient la coqueluche de Paris, son bagou, son allure charismatique et son opportunisme faisant le reste. Il côtoie Erik Satie, Diaghilev, Proust, etc. Il aime Paris aussi car la ville est plus permissive vis-à-vis des homosexuels. Ils ne se cachent pas et peuvent danser entre eux aux célèbres bals de la rue de Lappe. Une jeune britannique, Nancy Cunard, riche héritière s’éprend de lui et va changer ses jours et surtout ses nuits. Il peut compter sur sa fortune pour améliorer son ordinaire. Elle lui fait découvrir Venise, Capri et les fêtes où la cocaïne s’invite en plus de l’alcool qui coule à flots. L’argent qu’il gagne lui file entre les doigts, il emprunte, rend, prête parfois. Il est surtout doté d’un humour qui flirte ouvertement et très régulièrement avec la méchanceté. Il dit de Cocteau qui l’a lancé, que c’est une folle que l’opium constipe… Il est très arrogant, fort snob venant pourtant d’un milieu fort simple et surtout, il se préoccupe de son apparence physique. Il délaisse le piano pour la peinture, influencé par le douanier Rousseau, il peint des sujets ouvertement homo-érotiques.
La descente aux Enfers
Il s’éprend du séduisant journaliste René Crevel, se fait entretenir entre autres, par Raymond Mortimer, un jeune richissime dandy anglais. Utilisant son réseau mondain, il expose dans différentes galeries et devient un peintre influent. Mais il passe plus de temps à boire, se droguer et coucher avec des matelots qu’à peindre et lentement sa descente sociale s’amorce. Il lasse son entourage par ses demandes d’aide financière constantes. Il délaisse la peinture pour l’écriture avec un (mauvais) livre semi-autobiographique, et fait la même erreur que Truman Capote, en critiquant ses amis qui l’ont soutenu et qui se reconnaisse malgré les pseudonymes. On lui tourne le dos.
Il retourne à New York où il meurt alcoolique et seul en avril 1966.
Jérôme Kagan a fait des recherches durant une dizaine d’années. Il signe là une biographie passionnante sur un homme talentueux, sans aucune moralité et qui n’a ni plus ni moins que la beauté du diable comme principal atout…
Christian CHARRAT
Eugene McCown – Démon des Années Folles de Jérôme Kagan – Éditions Séguier – 480 pages – 22 € – editions-seguier.fr