FRANZ EN AMÉRIQUE
Une amitié au-delà de l'océan
Un roman soutenu par la musique
Martin Winckler, pseudonyme de Marc Zaffran, né le 22 février 1955 à Alger est un médecin militant féministe français connu comme romancier prolixe essayiste. Son roman Franz en Amérique paru aux Éditions Folio est un roman choral qui parle aux plus de 50 ans car c’est un témoignage sur l’histoire de la France, des États unis que les Baby Boomers ont connu. Les plus jeunes devraient être ravis de découvrir ce que furent les années 70 des deux côtés de l’Atlantique.
La découverte d’un monde
Été 1971. À dix-sept ans, Franz Farkas quitte sa petite ville française pour passer un an dans la baie de San Francisco à Oakland plus précisément. Il est accueilli par une double famille très atypique, un couple de juifs blancs avec leur fils et un couple d’afro-américains avec leur fille. Ces six personnes vivent dans deux appartements qu’un palier relie mais sans porte. Franz s’immerge dans les chansons de la contre-culture et croise des intellectuels à Berkeley, des Black Panthers à Oakland et des membres de la communauté gay et lesbienne au Castro avant de tenir un double rôle féminin dans la comédie musicale de son école. Pendant ce temps dans la France de l’après de Gaulle, sa mère Claire participe à un réseau d’avortement clandestin, et son père, Abraham, accompagne un berger allemand sur la piste d’un crime…
La playlist d’une vie
Ce roman, en partie autobiographique, se déroule sur un an entre l’été 1971 et l’été 1972 tout en étant raconté entre fin 2020 et l’été 2022. Très inattendu, chaque chapitre commence par un titre de chanson. C’est la playlist d’une vie durant ces années et que l’on peut retrouver sur YouTube. C’est l’occasion de découvrir la très belle Julie London à la voix de velours chantant Cry me a river ou As time goes by, chanson du film culte Casablanca ou encore Blowin’in the wind par Joan Baez. Cet épais roman nous enrichit de détails et d’éléments souvent ignorés pour la plupart d’entre nous. Ainsi on découvre qu’au moment de la guerre du Vietnam tous les hommes de dix-huit à vingt-cinq ans peuvent être appelés sauf s’ils vont à l’université ; de sorte que les premiers à partir font surtout partie des familles pauvres qui ne peuvent pas payer d’études à leurs enfants. On apprend aussi que les membres du BBP (Black Panther Party) sont pourchassés par les forces de l’ordre qui tirent sans sommation, sur les ordres de J. Edgar Hoover, le puissant directeur du FBI, soutenu par le Président Richard Nixon. Les Blacks Panters sont accusés de comploter pour tuer des policiers. Les cautions exigées sont si importantes que les accusés ne peuvent s’en acquitter. Un mouvement de soutien organisé par l’actrice Jane Fonda, l’activiste Abbie Hoffmann et le compositeur Leonard Bernstein, lève des fonds pour les soutenir et payer leurs avocats.
Du côté français, on s’instruit tout autant, avec les parents de Franz à la forte personnalité et qui plaident en faveur de la révolution sexuelle et de la condition des femmes. Sa mère, très active, participe au démantèlement d’un réseau de notables pédophiles. Quelle est la part de la réalité et de la fiction ? Qu’importe on aime ce livre nostalgique, touchant, et que dire des chansons magnifiques qui nous trottent dans la tête longtemps après le mot FIN.
Franz en Amérique – de Martin Winckler – Éditions Folio – 912 pages – 29,90 € – folio-lesite.fr