giovanni falcone , un martyr

Un grand homme, un grand roman

Sous protection policière 24h / 24

Dans ce livre captivant dédié au juge Giovanni Falcone, Roberto Saviano écrit : « Cela ne fait pas de lui un dieu, oh non. Cela fait de lui un grand homme ». Cette citation résume parfaitement l’essence des 608 pages de l’ouvrage. Il est important de rappeler que depuis la publication de son livre Gomorra (paru en 2007) consacré à la mafia en Italie, Saviano vit sous protection policière au quotidien. 

Un meurtre prémédité

La jeune génération ne sait peut-être pas qui était Giovanni Falcone, ni pourquoi plusieurs centaines de kilos d’explosifs firent sauter la voiture du juge le plus célèbre d’Italie ? Il périt dans cet attentat avec sa femme Francesca, elle aussi juge, et trois de ses gardes du corps. L’auteur choisit de revenir vingt ans en arrière alors que Falcone, magistrat inconnu, s’attaque au dossier antimafia, sensible et dangereux…  En quelques chapitres, oh combien haletants, il nous fait revivre le quotidien du juge qui nous semble impossible à supporter. Cet homme affronte une association criminelle ayant des ramifications partout en Italie, aussi bien dans l’industrie, la police que les milieux politiques, etc. Est-ce de l’inconscience ? Non, simplement du courage, le sens aigu du devoir et de l’honneur. Malgré son entourage décimé par les tueurs de la mafia, le juge intègre continue d’agir.

C’est en dépouillant d’obscurs dossiers financiers que Giovanni Falcone découvre le monde du grand banditisme à savoir : Cosa Nostra et ses Picciotti (jeunes hommes), tueurs de la mafia situés au plus bas de la hiérarchie. En 1979, après l’assassinat du juge Cesare Terranova qui a mené sans succès un procès contre certains dirigeants mafieux, Falcone rentre au sein du « pool » antimafia du parquet de Palerme. Le juge Rocco Chinnici décide de créer une cellule composée de juges qui seraient spécialisés dans les enquêtes complexes liées à la mafia.

Un maxi procès retentissant

Le « pool », obtient un succès inespéré en 84 en recueillant le témoignage de l’un des plus importants repentis de Cosa Nostra, Tommaso Buscetta dit « Don Masino » ou « le boss des deux mondes ». Sur la base de son témoignage, Giovanni Falcone ouvre en 86 le maxi procès de Palerme, dont il est l’instigateur avec son ami le juge Paolo Borsellino (qui sera également assassiné quelques mois après Falcone). Le procès doit faire comparaître 475 accusés (119 sont en cavale) dont le « parrain des parrains », Toto Riina (lui aussi en cavale). La cour pénale de Palerme n’étant pas assez grande, il est créé une « aula-bunker » (salle d’audience-bunker).

Le 16 décembre 1987 restera comme la date de la fin du maxi-procès et formalise l’existence de l’association de malfaiteurs de type mafieux en Italie. À l’issue du procès, on compte : 474 accusés, 360 condamnations, dont 19 peines à perpétuité, 114 acquittements, 2 665 années de prison cumulées par les condamnés. Le juge devient l’ennemi N° 1 de la mafia. Le 20 juin 89, il échappe à un attentat dans la station balnéaire palermitaine de l’Addaura où il réside. Symbole de courage, le héros est célébré partout en Italie. Pourtant certains politiques cherchent à le discréditer. C’est la triste    « période des venins », certains affirment que Giovanni Falcone a organisé lui-même l’attentat contre sa personne pour se faire de la publicité…

Un martyr de la justice

Sous la menace d’attentat, Falcone est contraint de vivre 24 h sur 24 accompagné d’une escorte importante. Lors du maxi-procès, ce ne sont pas moins de 70 hommes qui sont chargés d’assurer sa sécurité.

Roberto Saviano maitrise parfaitement son sujet et donne vie à cet homme exemplaire. On sent la menace au fil des pages, la peur nous gagne bien que l’on connaisse la fin. On découvre également les us et coutumes de la Cosa Nostra et les moyens considérables dont bénéficient les criminels. 

L’annonce de son assassinat suscite une très forte émotion dans toute l’Italie mais aussi dans le monde entier. L’homme devient à juste titre, un exemple et un martyr de la justice. Pour la triste célébration des 30 ans des assassinats de Giovanni Falcone et de Paolo Borsellino, une pièce de 2 euros à leur effigie a été émise en leur honneur, reconnaissance posthume d’un pays à ses héros.

Christian CHARRAT

PS/ Roberto Saviano a reconstitué la vie du juge via des articles de journaux et des tonnes de documents, liés à chaque chapitre, un travail de Titan.

Giovanni Falcone de Roberto Saviano de Roberto Saviano  Éditions Gallimard 608 pages – 25 € – gallimard.fr

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