Hélion

La prose du monde

Entre dérision et gravité

Un sous-titre explicite que l’on doit au Musée d’Art Moderne à Paris pour son exposition consacrée au peintre Jean Hélion. Les Éditions du regard et Henry-Claude Cousseau s’intéressent aussi au peintre avec la publication d’un beau livre dont l’iconographie et le graphisme sont signés d’Isabelle d’Hauteville. 

Si le nom de Jean Hélion n’est pas familier du grand public, ses portraits d’homme au chapeau ou au parapluie sont eux plus connus. Pourtant cet artiste contemporain (1904-1987) aura marqué son époque. Son oeuvre exprime une grande liberté́, synthèse de l’abstraction et de la figuration. Il a apporté́ à l’histoire de l’art moderne une contribution majeure et sans équivalent.  Après une brève expérience figurative à Montmartre, il s’engage dans l’abstraction à la fin des années 20 et en devient l’un des premiers et meilleurs défenseurs à travers le monde. 10 ans plus tard, ses formes s’animent, préfigurant un retour à la figure humaine. 

Avec les surréalistes à Marseille

Dès la déclaration de la guerre, il s’engage dans l’armée française. En juin 40, il est fait prisonnier en Allemagne. Il s’en échappe en février 42 et rejoint Paris occupé. Puis il se rend à Marseille, où il croise Marcel Duchamp, Tristan Tzara et Victor Brauner, avant de s’embarquer pour les États-Unis (voir la série magnifique Transatlantique sur Netflix, qui retrace l’attente des peintres surréalistes à Marseille). C’est là qu’il rédige le récit de sa captivité, They Shall Not Have Me (1943), qui devient un best-seller. 

Installé à New York, il fait de la rue son sujet de prédilection avec ses vitrines de magasins et ses scènes de « fumeurs » (L’Allumeur, 1944), de « salueurs », de lecteurs de journaux, d’hommes au chapeau (Homme à la joue rouge, 1943) ; homme au parapluie et femme à la fenêtre (1944). Face à l’incompréhension de la critique américaine comme du public, il décide au printemps 46, de se réinstaller en France avec Pegeen Vail, fille de Peggy Guggenheim devenue son épouse. 

Confronté à l’indifférence

À son retour, il est confronté à la même indifférence, alors que l’abstraction triomphe.  Il poursuit dans la voie figurative et en explore tous les ressorts (style, sujet, technique), tout en reformulant les genres (le nu, le paysage, la nature morte, l’allégorie, la peinture d’histoire) sans jamais renier son idée de la modernité. Paris, la rue, les événements ou le quotidien sont une source d’inspiration inépuisable. Mai 68 ravive non seulement ses convictions politiques mais l’inspire, il aime les bouches de métro, les bouquinistes, les amoureux et même les pissotières… Naîtront alors les « mannequineries », les « journaleries » puis à la fin de sa vie les « suites pucières ».

Les dix dernières années, le peintre perd progressivement la vue jusqu’à devenir quasiment aveugle. Peu avant sa mort, son œuvre entremêle volontairement les motifs qui l’ont hanté depuis son enfance. Sa peinture oscille entre dérision et gravité, rêve et éblouissement.  

Jean Hélion disait d’ailleurs en 1982, « Je n’ai plus que 2/10 dans un œil.  Rien dans l’autre.  Alors, je peins pour y voir clair ».

Hélion – de Henry-Claude Cousseau – Editions du regard – 366 pages – 32 € – editions-du-regard.com

Musée d’Art Moderne à Paris – Exposition jusqu’au 18 aout 24- de 13 à 15 € et gratuit pour les moins de 18 ans.

Hélion

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