hollywood - les années rouges
Chasse au talent, chasse aux sorcières
Le temps du crapaud...
Voilà un livre qui aurait trouvé sa place dans notre numéro consacré à la Guerre des écrans. En effet, Nikos Maurice a écrit un ouvrage passionnant sur le scandale américain qui secoua l’Amérique et les studios d’Hollywood en 1947. Le sénateur McCarthy lance une véritable chasse aux communistes travaillant dans cette usine à rêves. Une commission voit le jour la HCUA (House Committee on Un-American Activities – en français, Commission des Activités Anti-américaines.)
Une fiction très étayée par des faits
La préface, signée de Roger Martin atteste de la connaissance de Nikos Maurice des U.S.A et du cinéma américain de cette période que le scénariste Dalton Trumbo avait baptisée, Le temps du crapaud… Comme le précise l’auteur, s’il y avait bien une chose dont Hollywood n’avait pas besoin, c’était encore plus d’hystérie. Il écrit avec humour, que l’on ne dispose pas des gardes et barrières à l’entrée des studios pour empêcher les intrus d’entrer mais les fous de sortir. L’hystérie était accentuée par deux colporteuses de ragots qui terrorisaient le monde du cinéma via leurs rubriques dans les colonnes du Los Angeles Examiner pour Louella Parsons et le Los Angeles Times pour Hedda Hooper. Cette dernière était la plus sournoise et la plus réactionnaire des deux. Elle faisait la chasse aux divorces, infidélités, à l’homosexualité… Elle avait mis en place un réseau de serveurs, majordomes, chauffeurs et payait, selon les dires, 50 € l’information. On les surnommait les vipères d’Hollywood.
Les têtes d’affiches tombent les unes après les autres
Nikos Maurice tire de cette chasse aux sorcières une fiction basée sur des faits réels et établis. Il nous narre l’histoire de Harvez Zrodowayne, jeune dramaturge et brillant scénariste. Son agent lui propose de rejoindre Hollywood où une carrière fulgurante l’attend. On sait que de nombreux écrivains dont Scott Fitzgerald, ont écrit pour les grands studios de cinéma, problème : Harvey est communiste. Nous sommes en 1950 et le maccarthysme et la chasse aux sorcières bat son plein, soutenue par le redoutable directeur du FBI, J.Edgar Hoover. Les têtes d’affiche tombent les unes après les autres pour « activités anti-américaines. » Harvey affronte ce climat de méfiance généralisée au quotidien, tandis qu’il retrouve son grand frère Sam, scénariste à succès, porté sur la bouteille, qui dort avec un revolver et se sent traqué en permanence.
Le refuge : le Premier Amendement de la Constitution
Si on s’intéresse au cinéma de cette époque, il est aisé de découvrir qui se cache derrière tel ou tel personnage de cette fiction. L’ensemble des personnalités interrogées se réfugient derrière le Premier Amendement de la Constitution Américaine qui interdit de censurer la liberté de la presse, de religion, d’expression ou le droit de s’assembler pacifiquement, mais qui peut vous conduire en prison pour offense aux magistrats… On trouve trace du comité de soutien qui se forma alors. Ce Comité pour le Premier Amendement est composé de personnalités influentes du cinéma qui se rendent à Washington pour protester : John Huston, William Wyler, Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Groucho Marx et Frank Sinatra. Ce que l’on sait moins, c’est que l’acteur Humphrey Bogart, sermonné par Jack Warner, le puissant directeur des studios Warner, fait une volte-face quinze jours plus tard…
La honte porte un nom : le maccarthisme
La conclusion de cet opus en faveur de la liberté de pensée et hommage vibrant au cinéma d’avant, est que ceux qui passaient devant la commission étaient soit condamnés à de la prison, soit licenciés de suite et ostracisés. Ainsi, de nombreux et talentueux scénaristes, réalisateurs, producteurs et acteurs devenaient barman, agent immobilier, guichetier, vendeur d’aspirateur ou technicien de salles de spectacle pour nourrir leur famille. On sait aussi que le génial Charlie Chaplin, inoubliable Charlot, sera privé de visa d’entrée aux États-Unis durant vingt ans. Que dire de ceux qui, comme les réalisateurs Élia Kazan, ou Edward Dmytryk dénoncent des proches pour échapper à la prison et au chômage. La honte portera désormais un nom, le maccarthysme. Un livre passionnant et brillamment documenté !
Christian CHARRAT
Hollywood – Les années rouges – de Nikos Maurice – Éditions 10-18 – 448 pages – 9,50 € – lisez.com/editeurs/10-x-18