IL DÉSERTE

Georges ou la vie sauvage

Le chien meilleur ami de l'homme

Voilà un roman graphique qui entre parfaitement dans notre thème du mois « Excessif ou Créatif ». En effet, en 1962, le journaliste Georges de Caunes, « vedette » de la radio et de la télévision, se livre à une expérience hors norme. Tel un Robinson Crusoé des temps modernes, il décide de passer une année entière, avec son chien Eder pour seule compagnie, sur l’île déserte Eiao de l’Archipel des Marquises. Celle que chantait avec talent Jacques Brel. Très vite, ce naufragé volontaire doit affronter la solitude, les moustiques, les esprits qui hantent l’île et une routine qui le ronge peu à peu. Au fil des jours, son enthousiasme s’émousse.  Lui qui croyait se transformer en un personnage de L’Ile au trésor et qui rêvait d’être libre, constate qu’il s’est enfermé dans une prison à ciel ouvert. Pendant ce temps à Paris, son fils Antoine âgé de 8 ans essaie tant bien que mal de faire face à l’absence de son papa, sans rien comprendre à ses motivations.

Quand liberté se fait solitude

Une soixantaine d’années plus tard, Antoine de Caunes, que l’on ne présente plus, entreprend de raconter la folle épopée vécue par son père et qui n’aura duré finalement que quatre mois. Ce dernier ayant été rapatrié en urgence à Paris très affaibli et fort amaigri. Lors de cette épopée, Georges de Caunes avait pris soin de consigner son quotidien dans un journal intime. Antoine ne s’était jamais résolu à le lire en entier. Des années plus tard et en collaboration avec Xavier Coste, auteur de bande dessinée et directeur artistique pour le cinéma d’animation, ils démarrent la création de ce roman graphique. Plus qu’une simple bande dessinée, les illustrations de Xavier Coste sont d’une créativité, d’une beauté et d’un réalisme époustouflants. 

On est touché par l’histoire de cet homme qui décide de son plein gré de quitter la civilisation, sa célébrité et son confort, pour partir avec son chien sur une île inhospitalière. L’auteur Romain Gary déclarait à ce sujet : « Le seul endroit où l’on puisse voir un homme digne de ce nom, c’est dans le regard d’un chien ».  Le dessinateur illustre les pensées de l’animal avec une certaine poésie…on ne peut s’empêcher alors de penser au récit du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.

Un récit intime plein d’émotion

Georges de Caunes avait pourtant encore un lien avec la civilisation puisqu’il informait au quotidien les auditeurs de la « radio France Paris Inter » (appelée aujourd’hui France Inter) de son périple. Toutefois en lisant ce recueil, le lecteur s’étonne, tout comme son fils Antoine, de ce qui a poussé cet homme à prendre cette décision excessive, voire folle ?

Une partie du contenu de son journal intime est ajouté à la fin de l’album pour mieux comprendre à quel point il a dépéri et souffert. 

Les jours difficiles et les sombres pensées du journaliste sont fort bien illustrés dans des tons de noir, gris, bleu marine, violet mais sont contrebalancés par un foisonnement de couleurs donnant vie à des pages simples ou doubles spectaculaires sur lesquelles on aime à s’attarder longuement, réaction similaire à celle que l’on peut ressentir devant un tableau dans un musée. 

En conclusion, cette déclaration d’amour poétique d’un fils à son père disparu est une totale réussite !

Christian CHARRAT

Il Déserte – d’Antoine de Caunes et Xavier Coste-Éditions Dargaud – 208 Pages – 30 € – dargaud.fr