Ils s'aiment

Malgré le mariage pour tous et les différentes Gay Pride à travers le monde et « l’évolution » de la société, on déplore de plus en plus d’actes homophobes.  Au point de pousser un adolescent gay à se suicider car harcelé sans arrêt par des élèves de son collège, la liste est longue et non exhaustive hélas…

C’est pourquoi, il faut saluer les Éditions Les Arènes / 5 Continents d’avoir publié un livre appelé simplement, Ils s’aiment. Avec plus de 2700 clichés pris entre 1850 et 1950, la collection Hugh Nini et Neal Treadwell est une des plus riches sur le thème de l’homosexualité.  Il faut se souvenir que l’homosexualité était condamnée (elle l’est toujours dans différents pays : Iran, Russie, les pays arabes, en Afrique, etc.) et, il fallait du courage à ces hommes pour prendre la pose pour immortaliser leur amour devant l’objectif du photographe. 

La collection de clichés est composée de couples venant non seulement des États-Unis mais aussi de nombreux pays : Canada, France, Royaume-Uni, Allemagne, Bulgarie, Estonie, Ukraine, Argentine, Thaïlande, Japon, Australie et même de Russie… La collection rassemble des hommes de tous les milieux sociaux et de différentes origines avec un seul dénominateur commun : l’amour qu’ils portent à leur partenaire. Ce qui est le plus frappant dans ces clichés souvent en Sépia, est la ressemblance entre les deux hommes formant un couple uni.  Le mimétisme est incroyable ! Le romantisme transpire à chaque page de ce témoignage photographique très précieux. Les regards et les sourires en disent long.  Même lors d’un cliché où l’un des hommes semble contrarié et détourne le regard, son partenaire l’observe tendrement et serre sa main dans la sienne tel un chaînon que rien ne saurait défaire.

Régis Schlagdenhauffen, maître de conférence (EHESS) et spécialiste notoire de l’histoire de la sexualité, du genre et des homosexualités, développe le sujet avec brio. Il rappelle que lors de la Conquête de l’Ouest aux États-Unis, les cowboys privés de femmes faisaient l’amour entre eux.  Hollywood aussi jouait avec les codes homosexuels, il suffit de regarder le western, La rivière Rouge de Howard Hawks avec Montgomery Clift pour comprendre l’attraction mutuelle de deux cowboys par le biais des dialogues. 

L’armée fut aussi un terrain propice à l’amour viril.  Il suffit de feuilleter le beau livre de Dan Hanson, My Buddy publié aux Éditions Taschen.  Si My Buddy est plus sexuel, les corps nus se touchent, se convoitent et la sensualité est sous-jacente malgré les violences de la Seconde Guerre mondiale. 

Ils s’aiment est nettement moins sexualisé. Ce livre vaut toutes les manifestations et revendications car c’est un magistral manifeste de tolérance.  Il devrait être à disposition dans tous les collèges de France.  Les hommes photographiés ne montrent pas leur corps mais juste leurs sentiments et c’est ce qui fait la force de ce grand et beau livre très touchant.

Ils s’aiment de Hugh Nini et Neal Treadwell, introduction de Régis Schlagdenhauffen – Éditions Les Arènes / 5 Continents – 336 pages – 49 € – arenes.fr