ISABELLE ADJANI
Le vertige Marilyn et la magie opère...
Photo: © Magali Bragard
Dialogue intime
On la dit capricieuse, distante, difficile à gérer et c’est une tout autre femme qui accueillit très gentiment quelques personnes après son spectacle Le vertige Marilyn donné à Lyon dans le cadre des Nuits de Fourvière. Même devant l’insistance d’une fan qui aurait eu besoin d’entamer une thérapie, elle ne se départit pas de sa gentillesse puis, s’en alla rejoindre la file de ses admirateurs auxquels elle prêta toute son attention.
Mais revenons à l’essentiel de la soirée qui est la pièce Le vertige Marilyn dans une mise en scène d’Emanuel Lagarrique et dont les dialogues sont signés Isabelle Adjani et Olivier Steiner. Le décor métallique ressemble à une tour de Babel sur laquelle sont posés 24 projecteurs de cinéma, deux gros ventilateurs sont de chaque côté de la scène, c’est déroutant, intriguant, intéressant aussi car se pose la question pour les spectateurs qu’est-ce qui les attend ? On devine cependant une silhouette de dos et on entend des discussions, mais où Isabelle Adjani va t’elle emmener les spectateurs ?
Olivier Steiner maîtrise bien son sujet à savoir, la vie et mort de Marilyn Monroe. Pour tous les gens passionnés par l’enquête, sur la fin tragique de cette légende du cinéma hollywoodien, Isabelle Adjani passe d’un personnage à l’autre avec aisance. Après tout, toutes les deux sont des stars. Isabelle Adjani lit des détails importants liés à l’enquête menée au moment de la disparition suspecte de la star, elle mentionne son amitié avec Montgomery Clift, homosexuel, névrosé et alcoolique lors du tournage (très éprouvant) des Misfits, même Maf le chien de Marilyn est évoqué.
Dans cet échange, Marilyn évoque son rapport à la célébrité. Mais, qui mieux qu’Isabelle Adjani pour parler du rapport d’une personne avec la célébrité devenue souvent envahissante ? Elle explique pourquoi elle se tient à distance de cette foire aux vanités qu’est le cinéma. Elle évoque son enfance avec un père très réservé, à l’inverse de sa mère très extravertie. Elle gardera la discrétion de son père, ce qui irritera parfois le public à son encontre. Ledit public, c’est bien connu, dévore les idoles qu’il encense. Mais a-t-on vraiment besoin de tout savoir des gens que l’on admire ? Madame de Staël disait fort justement, « La gloire est le deuil éclatant du bonheur. »
« La Divine » Greta Garbo, ne donna pas d’interviews, fuyait toutes premières et tous contacts publics, ne signait jamais d’autographes et interdisait l’accès aux plateaux de tournages à qui ne faisait pas partie de l’équipe, ce qui ne l’a pas empêché d’être une déesse immortelle du 7ème Art (bien que traquée par les photographes pour le reste de sa vie…) Federico Fellini disait d’elle qu’elle était la grande prêtresse d’une religion qui s’appelle le cinéma.
Isabelle Adjani aussi se tient à distance et avec raison. Au cours de ces échanges, la célébrité est abordée mais pas seulement. L’amour s’explique aussi par les propos des deux stars, les spectateurs découvrent une Isabelle sans fard loin de son image de légende. La solitude qui hantait Marilyn est-ce que Isabelle Adjani connaît celle-ci ? Nous ne le saurons pas et de toute façon, nous ne lui souhaitons pas. Il est intéressant de noter que Marilyn Monroe se sentait seule alors qu’elle était entourée d’une équipe de douze personnes comme le précise si bien Isabelle Adjani et qu’elle définit comme des apôtres… Mais des apôtres très intéressés tel le couple Strasberg -dont la fille et aujourd’hui encore, gère le fond Marilyn Monroe- ou le docteur Greenson, son psychiatre qui la gavait de cachets. Mention toute particulière aux dialogues parfois en voix-off mais tout aussi prenants et travaillés voire ciselés par le duo Adjani-Steiner.
Vêtue de la copie de la robe que Marilyn Monroe portait lors de son dernier shooting pour le Vogue américain par Bert Stern (exécuté par Dior mais avec des poches pour le confort de l’actrice.) Isabelle Adjani a évité de porter une perruque platine car elle n’est pas dans une parodie de Marilyn mais dans un échange avec l’américaine disparue d’égale à égale. L’émotion qui est bien là dès le début du spectacle est à son comble à la fin de la pièce, quand résonne la chanson de la très regrettée Jane Birkin Norma Jean Baker composée par Serge Gainsbourg et qu’Isabelle Adjani a ajouté en hommage à l’anglaise préférée des français disparue à l’âge de 76 ans.
Ce dialogue intime, insolite, limite surréaliste, brillant et intelligent, touche le public qui est silencieux, figé, captivé et qui se lève pour une longue standing ovation largement méritée.
Le Vertige Marilyn avec Isabelle Adjani – 12 et 13 octobre – FIAF – New-York
Les courants d’air d’Isabelle Adjani et Gaëtan Roussel -EP -Warner Music
– Fragments de Marilyn Monroe -Éditions Points
-Enquête sur une mort suspecte de Don Wolfe -Éditions Albin Michel
-Vie et opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe de Andrew O’Hagan -Éditions Points
-Une semaine avec Marilyn de Colin Clark -Éditions petite bibliothèque Payot