ISABELLE HUPPERT

Master Class

"J'ai peur de tout mais pas de l'inconnu"

Une master class est un cours magistral donné par un artiste de renom.  Les master classes les plus célèbres furent celle de l’iconique diva Maria Callas.

La comédienne/tragédienne Isabelle Huppert, participait à une master class, le vendredi 18 octobre dernier, au théâtre des Célestins de Lyon, interrogée par Thierry Frémaux, directeur du festival Lumière.

C’est « une amoureuse du cinéma, une amie » que Thierry Frémaux, directeur du festival Lumière, a accueillie pour une masterclass, aux Célestins de Lyon le 18 octobre, dans l’après-midi, avant la remise de son Prix Lumière le soir même.  Un joli théâtre à l’italienne qu’Isabelle Huppert connaît bien, pour avoir été applaudie pour Marie Stuart (en 2019) et Les fausses confidences (en 2014).

Dans les rangs du public, on notait la présence de son époux, le producteur Ronald Chammah et de ses deux fils, Angelo et Lorenzo. Pas de sa fille Lolita, venue elle aussi fouler cette scène (en 2017 pour Rabbit Hole). Angelo travaille sur les plateaux de cinéma aux Etats-Unis tandis que Lorenzo accompagne son père comme distributeur.

Bien choisir. La Dentellière ne se souvient plus comment elle a commencé à être actrice. Mais elle reconnaît savoir choisir les (bons) metteurs en scène. « Un scénario, ce n’est ni un livre, ni un film, c’est parfois ingrat. Mon imaginaire se déploie à partir d’une phrase. Pour Violette Nozière, c’était « c’est pas pour la grue que je viens, mais pour le grutier ». Une phase bien balancée qui présumait de la suite. Pour La Pianiste, c’était « la froideur, cela vous dit quelque chose ? » Une phrase qui résume ce que je pense de l’exercice d’acteur ».

Il ne faut pas croire que l’interprète multi primée reçoit « tant que cela » des scénarios. Elle les lit tous. Elle savait que La Pianiste, était sa dernière chance de tourner avec Michael Haneke, après les refus de Funny Games et du Temps du Loup. « Le scénario, je l’ai vraiment lu dans l’avion qui m’emmenait à Vienne » reconnaît-elle.

Films méconnus. Personne ne le sait, mais Isabelle Huppert a participé à un film d’Otto Preminger, l’avant dernier, Rosebud, en 1975. « Personne ne l’a vu » s’amuse-t-elle. Il avait commencé à tourner avec Robert Mitchum (très sympathique, mais qui n’avait plus envie de faire du cinéma). Ils se sont brouillés. Il a été remplacé par Peter O’Toole. Les deux buvaient autant mais le second, pendant la nuit. J’ai aussi fait un premier film avec Jacques Brel (très sympa), Le Bar de la Fourche (d’Alain Levent en 1972) que personne n’a vu non plus, une sorte de western breton ».

La Peur. « Je vais vers les gens de cinéma, on va les uns vers les autres. J’ai peur de tout, j’ai peur des ascenseurs, mais pas de l’inconnu. Je n’ai jamais eu peur de partir loin, de me retrouver au milieu de la jungle philippine avec Brillante Mendoza (Captive), ça me plaît ».

« Le cinéma, c’est une caméra et quelqu’un qui vous regarde. J’aime bien partir faire des films et on n’est pas plus étranger à l’autre au bout du monde qu’à côté de chez soi. Le cinéma, c’est le mystère d’une personne, il est décuplé quand on arrive dans un pays lointain. »

Tavernier. Isabelle Huppert a tourné trois fois avec Bertrand Tavernier. Outre Coup de Torchon et Le juge et l’assassin, figure aussi une petite participation dans Des enfants gâtés (1977). A noter pour plus de détails sur ces tournages : les Mémoires de l’ancien président de l’institut Lumière sortiront le 6 novembre, riches de souvenirs avec la récente présidente de la Mostra de Venise.

Le Goût du Jeu. « Huppert, soldat parfait ? » a interrogé le Lyonnais. « Dans le cinéma, chacun a son secret, le metteur en scène, l’acteur. J’ai eu la chance de rencontrer des metteurs en scène qui m’ont laissé raconter ma propre histoire entre moi et moi ».

Au cinéma, « je joue des personnes et non des personnages », déclare celle qui préfère se définir comme actrice qui joue de la comédie et de la tragédie, donc « comédienne/tragédienne ». « Un acteur a plusieurs sois et les rôles nous ramènent toujours à nous ». A la question d’une spectatrice qui voulait la revoir dans des rôles plus solaires que noirs, Isabelle Huppert a conseillé son dernier film, La Prisonnière de Bordeaux. « Il paraît que je suis très drôle »

Un Rôle de Mère. Voici une anecdote que Thierry Frémaux a voulu mettre en lumière en fin d’entretien. « Nominée pour Elle de Verhoeven (2016), Isabelle enchaînait les interviews sur le tapis des Oscar, en anglais, tout en reprenant, en français, ses fils qui s’engueulaient derrière elle ». À ses enfants présents aux Célestins ce 18 octobre, elle a lancé : « Mais, ne recommencez pas quand même ! »

Le public aura donc croisé une actrice élégante, comme toujours, dans un chic tailleur pantalon noir. Moins froide que son image (ce fameux autre soi) et disponible pour toute question, notamment sur sa fleur préférée. La rose … Quel hasard : le quartier de Lyon Monplaisir dans lequel sont situés l’institut Lumière et le hangar du Premier-Film était justement une vaste roseraie au XIXe siècle !

Isabelle BRIONE

Le Festival Lumière a lieu tous les ans au mois d’octobre à Lyon, ville qui vit naître le cinéma grâce à l’invention des frères Auguste et Louis Lumière. Plus d’informations sur festival-lumiere.org

ISABELLE HUPPERT

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