JAMES BALDWIN

Chroniques d'un enfant du pays

Pasteur à 14 ans

James Baldwin est à l’honneur en ce moment en France avec la parution aux Éditions Folio de son livre Chroniques d’un enfant du pays et l’ouverture de la Médiathèque du 19ème arrondissement de Paris qui porte son nom. 

Virginia Woolf écrit dans Une chambre à soi que l’excès de colère nuit à l’écriture. Elle n’avait pas tort car à la lecture des chroniques de James Baldwin, la colère est très présente. Baldwin écrit dans sa préface que le casse-tête de la couleur est l’héritage de tout américain, qu’il ou elle soit légalement et réellement noir ou blanc. La rage qui habite ses pages s’explique par la conjoncture des années 40 et 50 aux États-Unis. La ségrégation raciale s’applique dans tous les états. Il est en effet très difficile d’être noir dans ce quotidien discriminant.  Il confesse haïr et craindre les blancs. Depuis son enfance, qu’il ne voudrait revivre pour rien au monde, il écrit des pièces de théâtre et des chansons.  Il grandit dans le ghetto noir de Harlem à New York, élevé par un père pasteur très rigide voire cruel et une mère toujours enceinte. Elle accouche le jour des funérailles de son mari quand James à dix-neuf ans. Il devient pasteur à quatorze ans et il arrête à dix-sept. Il multiplie les petits jobs, est serveur dans un restaurant du Village tout en écrivant des critiques de livres mais il arrête à vingt-quatre ans.  Il aime manger et boire (beaucoup.)  L’alcool accentue son côté enragé. Il est d’ailleurs souvent décrié pour son agressivité militante. La première partie de ses chroniques est consacrée à la représentation des noirs dans la littérature, la musique, le cinéma et ses analyses sont brillantes. La deuxième partie et consacré au ghetto d’Harlem et met l’accent sur la vie violente des noirs.  En effet, le journal le plus vendu est l’Amsterdam Star-News joyeusement dédié aux meurtres, aux viols, aux descentes de police dans les bordels et aux guerres interraciales. Curieusement, il y a plus d’églises dans Harlem que dans n’importe quel autre ghetto de Manhattan. 

De Harlem à Paris

Baldwin évoque aussi son voyage à Atlanta qui lui laisse un sentiment amer. La troisième partie porte sur sa vie en France, il écrit que le noir américain à Paris ressemble beaucoup à l’homme invisible.  Il se plaint des excès de la bureaucratie, des étranges lubies des concierges, des loyers faramineux et de la grande confusion de la politique française… Rien n’a vraiment changé de nos jours. Il n’a pas une bonne opinion des français car il pense que les héritiers de la plus riche culture du monde, dotés du plus grand esprit au monde sont en fait décadents, mesquins, égoïstes et faux sans aucune trace de la spontanéité américaine.  Son rejet des français est aussi lié au fait qu’il passe une semaine en prison accusé de recel de biens volés (un drap d’hôtel brodé volé dans un hôtel par un ami américain en désaccord avec la direction dudit hôtel.) Il essaie d’oublier en partant dans un minuscule village suisse où les habitants n’ont jamais vu d’homme noir et s’enhardissent à lui toucher les cheveux ou les mains pour voir si la couleur noire s’efface… Ses chroniques s’achèvent avec ce séjour en Suisse.  Les français eux, ne sont pas rancuniers de ses écrits assassins puisque, aujourd’hui en 2024, une médiathèque porte son nom et son portrait s’affiche en grand sur un mur avec cette citation « Ceux qui pensent qu’il est impossible d’agir sont généralement interrompus par ceux qui agissent. » Il meurt à l’âge de soixante-trois ans à Saint Paul de Vence. L’auteur Gore Vidal, disait de lui qu’il était un croisement entre Bette Davis et Martin Luther King…

Sylvie di MEO

James Baldwin – Chroniques d’un enfant du pays – Éditions Folio – 272 pages – 8,90€ – folio-lesite.fr

Médiathèque James Baldwin et Maison des réfugiés – 10 bis rue Henri Ribière 75019 Paris – Tel 33+(0)1 44 52 27 70 –paris.fr/lieux/mediatheque-james-baldwin

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