Jean Paul gaultier par V.bergen
Un GÉNIAL TRUBLION
Toutes les photos : © E/P/A
Une idéntité Queer revendiquée
On a déjà vanté le talent de Véronique Bergen, autrice, journaliste et conférencière belge, spécialisée dans les domaines de la culture, de la mode et du design. Elle collabore régulièrement avec des publications telles que Le Soir, Marie Claire Belgique, l’Officiel Belgique. On lui doit deux ouvrages passionnants sur Karl Lagerfeld et Alexander McQueen.
Il découvre sa vocation grâce au film, Falbalas de Jacques Becker
Véronique Bergen, nous revient avec un nouveau livre sur l’iconique styliste Jean-Paul Gaultier, celui que l’on surnomme l’Enfant terrible de la mode. Il est issu d’un milieu modeste et est né à Bagneux en 1952. Petit, il affuble son ours en peluche, Nana, de seins coniques qui se retrouveront plus tard dans ses collections femmes. C’est sa grand-mère adorée qui l’initie à la couture et en grandissant, c’est après avoir vu le film Falbalas, de Jacques Becker, drame qui se déroule dans le milieu de la haute-couture, qu’il eut la confirmation de sa vocation. Il faut donc rendre grâce à sa grand-mère et à Jacques Becker de nous avoir donné un créateur aussi prolixe et qui bouleverse tous les codes de la mode. Il est une respiration bienvenue voire nécessaire dans un milieu très fermé et formaté. Son insolence ne heurte pas, bien au contraire, elle séduit.
Débuts dans les ateliers de Pierre Cardin
Le jour de ses dix-huit ans, il entre dans les ateliers de la prestigieuse maison Pierre Cardin, qui sera le premier à proposer du prêt à porter et non Yves Saint-Laurent. Il travaille aussi pour la maison Jacques Esterel qui a aujourd’hui totalement disparu. Il travaille un temps pour la maison Jean Patou qui, ornée d’un grand prestige, lance le parfum le plus cher du monde Joy. En 1976, il crée sa griffe avec son compagnon de quinze ans, Francis Menuge qui décède du Sida. Fléau qui a décimé les rangs des gens de la mode et pas uniquement. Il efface le trait d’union de son prénom. Lors de son premier défilé l’alliance de perfecto de cuir noir porté avec un tutu de danse déconcerte, ce fut un flop. Mais bientôt, il est soutenu par le puissant groupe japonais Kashiyama. Il brouille brillamment les codes du genre et surtout, il maîtrise la coupe d’un vêtement masculin ou féminin à la perfection. Il faut voir ses vestes tailleurs montées sur des baleines laissant voir la peau qui sont de vraies œuvres d’art. Dans les années 80, Il est accueilli triomphalement dans le cercle des créateurs de mode comprenant des stylistes talentueux tels : Anne-Marie Beretta, Thierry Mugler, Claude Montana, Sonia Rykiel, et la regrettée France Andrevie, disparue à l’âge de 34 ans.
Il brouille, avec génie, l’identité masculin-féminin
Ses sources d’inspiration sont nombreuses, à commencer par la rue mais cela peut-être une exposition, un film, The Rocky Horror Picture Show, ou Querelle. Il revendique l’identité Queer bien avant l’heure. Tout est source d’inspiration pour lui : des artistes telles : Kiki de Montparnasse ou Frida Kahlo, qui lui inspire une de ses plus belles collections féminines. L’homme est bourré de talent, il est sollicité par les stars pour les costumes de leur tournée : Madonna, Mylène Farmer, Kylie Minogue, Beth Ditto et même l’accordéoniste Yvette Horner. Le 7e Art fait appel à lui, il crée les costumes des films : Kika, Le Cinquième Élément, La Cité des enfants perdus, La Mauvaise Éducation, Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant. Il mélange les genres masculin-féminin avec un talent époustouflant qui devient sa marque de fabrique. Il fait défiler des hommes en jupe et un mannequin très androgyne, Andrej Prejic, en robe. Il met en valeur tous les types de morphologies allant de la grande Inès de la Fressange aux côtés de la petite Corinne Cobson. Il fait de Farida Khelfa, aujourd’hui, Madame Henri Seydoux, sa muse. Son vêtement iconique est la marinière qu’il traite de différentes façons, toutes plus surprenantes les unes que les autres. Il faut écouter sa chanson, How to do that ? mis en image par Jean-Baptiste Mondino.
Des locaux somptueux mais une humble gentillesse persistante
Il dessine les collections féminines de Hermès durant six ans. La prestigieuse maison est actionnaire à 45 % de sa société. Aujourd’hui, elle est la propriété du groupe Puig. En 1997, il intègre La Chambre Syndicale de la Haute Couture et crée sa première collection de haute couture. En 2014, il annonce l’arrêt de ses collections prêt à porter et déclare au magazine Women’s Wear Daily (sic) « Le rythme intense des présentations ne donne plus ni la liberté ni le temps indispensable au ressourcement et à l’innovation et se consacre à la haute couture. » Le 17 janvier 2020, il présente son dernier défilé avec les femmes et hommes qui l’ont inspiré ou défilé pour lui, le tout avec une géante ovation du public. Ce créateur inspiré et inspirant est dans le milieu guindé et snob de la mode, un être à part qui ne se prend guère au sérieux, simple et abordable. Cet état d’esprit chaleureux se répand à travers toute son équipe et dans les somptueux locaux de la griffe.
Jean Paul Gaultier, un homme, un couturier qui a marqué durablement son époque.
Sylvie DI MEO
Jean Paul Gaultier – de Véronique Bergen – Éditions E/P/A – 208 Pages – 35 € –editionsepa.fr