LA FORCE DU DESTIN À LYON
Un thème prégnant et percutant

Photo : © Jean-Louis Fernandez
Une ouverture saisissante

Photo : © Jean-Louis Fernandez
L’Opéra de Lyon a offert aux passionnés d’art lyrique une version de belle facture de La Force du destin (1869). Ce mélodrame en quatre actes de Giuseppe Verdi au livret de Francesco Maria Piave, est une œuvre sombre, excessive, confuse, qui fut modifiée à plusieurs reprises, mais dans laquelle règne de bout en bout un bel canto sublimé. L’action se déroule en Espagne et en Italie, au XVIIIème siècle. Presque dix-huit mois s’écoulent entre le premier et le deuxième acte. Entre le deuxième et le troisième acte, quelques mois se passent ; et entre le troisième et le quatrième acte, cinq ans s’écoulent.
Acte 1 : Donna Leonora di Vargas et Don Alvaro, pour contourner l’opposition à leur mariage du père de donna Leonora, le marquis de Calatrava, se préparent à fuir Séville la nuit venue. Leonora, attachée cependant à son père, médite sur l’incertitude de sa destinée et dit adieu à sa terre natale. L’arrivée d’Alvaro fait s’évanouir ses derniers doutes, mais les amoureux sont surpris par le marquis qui, rentré de manière impromptue, renie sa fille et ordonne à ses serviteurs d’arrêter le jeune homme. Ce dernier, après s’être déclaré l’unique coupable, se dit prêt à subir le châtiment du marquis. En jetant à terre son pistolet, le coup de feu part et il tue malencontreusement le vieillard. Les deux malheureux amants disparaissent dans la nuit…Quel sera leur destin ?
Quoiqu’en dise la presse, la distribution fait honneur à l’œuvre de Verdi qui certes n’est pas sa plus grande réussite mais qui séduit toujours. À la direction musicale, le sémillant Daniele Rustioni. Ce n’est plus une rumeur, Daniele Rustioni devient le troisième chef principal invité de l’histoire du Metropolitan Opera de New York en près d’un siècle et demi d’histoire. Nomination qui fait plaisir aux lyonnais plutôt fiers de leur ville et de leur opéra.
La soprano Hulkar Sabirova dans le rôle d’Eleonora, bien que petite, a tout d’une grande. Côté hommes, le duo solenne in quest’ora de l’acte III entre Riccardo Massi, (ancien cascadeur pour Hollywood à l’étonnant destin), affronte vocalement Ariunbaatar Ganbaatar et nous obtenons un beau match ex aequo ! On retrouve dans les rôles principaux Hulkar Sabirova, soprano (Dona Leonora de Vargas) avec Riccardo Massi, ténor (Don Alvaro), Ariunbaatar Ganbaatar, baryton (Don Carlo di Vargas), Maria Barakova, soprano (Preziosilla) et n’oublions surtout pas les Chœurs de l’Opéra et ses chefs : Benedict Kearns et Guillaume Rault.
Décors imposants et costumes « insolites »
Le rideau s’ouvre sur un très beau décor d’Ersan Mondtag à qui nous devons cette belle scénographie. Le second tableau et décor avec les vanités et la représentation d’exactions sanglantes est tout simplement magnifique. Voilà qui dynamite le mélodrame ! Côtés costumes, l’ensemble manque d’harmonie. La costumière, Teresa Vergho semble vraiment hésiter entre plusieurs options. Les uniformes militaires balancent entre uniformes nazis et vestes d’Olivier Rousteing pour Balmain aux épaules pagodes. On se questionne sincèrement sur les oreilles de lapins posées sur les cheveux des femmes donnant des aspects aux personnages féminins de « Bunnies » serveuses du Playboy Club du milliardaire Hugh Hefner. Le mélange est encore plus étrange lorsque les costumes des villageois semblent sortir du film Le Décaméron de Pier Paolo Pasolini. Le tout ressemble à une salade de fruits textiles nuisant à la puissance des décors. Est-ce là une volonté de ne pas figer l’action dans une époque ? Que dire de la robe (décalée par rapport aux autres costumes) de Maria Barakova, soprano, excellente en gitane passionnée Preziosilla.
Il y a une étonnante différence entre ce qu’écrivent les critiques dans la presse et ce que le public ressent. Il suffisait d’entendre l’ovation (méritée) dès le tombé de rideau, pour comprendre que le succès était au rendez-vous, n’en déplaise à certains.
À savoir : En janvier 1861 Verdi répond à une demande du tsar Alexandre II de Russie. Après avoir initialement envisagé un projet d’opéra sur Ruy Blas, il accepte, le 3 juin 1861 le drame de Rivas, Don Alvaro o la fuerza del sino, que lui soumet le Théâtre impérial. Le mélodrame fut présenté à la Scala de Milan le 27 février 1869 où il triomphe depuis partout dans le monde.
Christian CHARRAT
PS/ L’Opéra publie des programmes de très belle facture et très utiles à la compréhension du spectacle
Opéra de Lyon – À venir, Peter Grimes de Benjamin Britten du 9 mai au 21 mai 2025 – opera-lyon.com