L'ART DÉGÉNÉRÉ AU MUSÉE PICASSO

Le génie bafoué

Une campagne publique d'exclusion

Hitler en son temps, avait mis au pilori certains auteurs et fait brûler leurs livres.  Il s’en était ensuite pris aussi aux artistes peintres d’avant-garde qu’il considérait comme dégénérés…

Le procès de l’art moderne sous le nazisme

Le Musée National Picasso présente jusqu’au 25 mai 2025 sa nouvelle exposition temporaire « l’art dégénéré ». Une première en France à Paris consacrée au procès de l’art moderne sous le nazisme. C’est aussi l’exploration de la propagande nazie mise en perspective pour attaquer méthodiquement l’art moderne et la place qu’occupait Pablo Picasso, archétype de l’artiste « dégénéré » pendant cette période sombre de l’histoire.

Dès 1933, une série d’expositions infamantes sont alors mises en place dans plusieurs musées (Dresde, Mannheim, Karlsruhe…) pour dénoncer​ les avant-gardes artistiques comme une menace à la « pureté » allemande. « Entartete Kunst » s’inscrit dans le contexte d’une « purge » méthodique​ des collections allemandes. Plus de 20 000 œuvres, parmi lesquelles celles​ de Vincent Van Gogh, Marc Chagall… et bien sûr Pablo Picasso, sont ainsi retirées, vendues ou détruites. L’expression nazie « art dégénéré » désigne une campagne publique d’exclusion, de diffamation et de destruction de l’art moderne, s’étalant sur une dizaine d’années. C’est le titre d’une série d’expositions parties de Munich en 1937, continuant en Allemagne et en Autriche jusqu’en 1944. Quoique publiquement diffamé, l’art « dégénéré » fut aussi vendu, quand il était jugé « exploitable », selon la terminologie propre à la langue du IIIe Reich. 

Lire à ce sujet La collection inavouable de Dimitri Delmas parue aux Éditions Flammarion. C’est l’histoire de Cornelius Gurlitt qui cache au sein de son appartement depuis plus de 5o ans, des centaines de chefs-d’œuvre acquis par son père dans des conditions très douteuses sous le régime nazi. Il faut aussi regarder sur Netflix, l’excellente série Transatlantique qui raconte la fuite de la France occupée par les peintres maudits et leur attente à Marseille d’un bateau pour les États-Unis.

Si le terme de « dégénérescence », émerge au cours du XIXe​ siècle dans différentes disciplines (histoire naturelle, médecine, anthropologie, ​ histoire de l’art…), il trouve sa cristallisation dans la vision du monde national-socialiste, et sert de vecteur au​ déploiement des théories racistes et​ antisémites au sein de l’histoire de l’art.

Une première en France

1400 artistes ont ainsi été fichés comme « dégénérés » par les autorités nazies. 37 de ces peintres ou sculpteurs de génie sont réunis dans cette exposition exceptionnelle qui parvient de façon très subtile à aborder cette tragédie visant à éliminer les artistes avant-gardistes, juifs, bolchéviques, et plus généralement tout ce qui menaçait la pureté de la race arienne suivant la volonté d’Hitler. Des tableaux revenus de loin, échappés de leurs cabinets des horreurs. Dans un souffle de liberté, les chef-d ‘œuvres se succèdent et s’imposent d’eux-mêmes aux visiteurs. On (re)découvre des artistes​ majeurs tels que Marc Chagall, George Grosz, Paul Klee, Oskar Kokoschka, Vassily Kandinsky​ ou encore Vincent Van Gogh et Pablo Picasso. Un ensemble d’œuvres est​ consacré aux artistes juifs, qui figurent parmi les plus violemment attaqués. 

​La haine d’Hitler pour ceux qu’il appelait « les dégénérés », ne se limitait pas aux livres et aux arts, il y avait aussi la musique avec entre autres le jazz, les compositeurs juifs, ​communistes ou la musique atonale. Ironie de l’histoire, les expositions sur l’art dégénéré qui mettaient en scène des œuvres que l’on ne souhaitait et ne voulait plus voir, furent un énorme succès auprès du peuple allemand… Raison de plus pour se précipiter au Musée Picasso à Paris.

Sylvie di MÉO

L’art « dégénéré ». Le procès de l’art moderne sous le nazisme​  – jusqu’au 25 mai 2025​ -Musée Picasso-Paris – 5​ rue de Thorigny,​ 75003 Paris​ – Tel : +33 (0)1 85 56 00 36​ du mardi au vendredi de 10h30 à 18h – museepicassoparis.fr

Klee- Légendaire Marais

     Wassily Kandinsky, Kreuzform, 1926, © LWL-Museum für Kunst und Kultur,                          Westfälische Landesmuseum, Münster _ Hanna Neande   

L'ART DÉGÉNÉRÉ AU MUSÉE PICASSO