MUSÉE DE L'HOMME -PARIS
Le grand retour du Wax

Un manifeste textile

Expo WAX MH0976 © MNHN – A-Latzoura
Dans le cadre de sa saison « Migrations », le Musée de l’Homme de Paris propose une exposition entièrement consacrée au wax, ce tissu emblématique du continent africain, dont les couleurs et les motifs ont traversé les frontières et les décennies. Une exposition en deux volets, l’un consacré à l’histoire du tissu, depuis plus de 120 ans entre Asie, Europe et Afrique, et l’autre à son actualité sur la scène de la mode, du design et de l’art contemporain.
Origine du wax
Le wax est un tissu de coton imprimé sur les deux faces, selon une technique utilisant la cire (wax, en anglais) pour délimiter des plages d’impression de motifs. Son histoire débute au 19e siècle, au carrefour de l’Asie, de l’Europe et de l’Afrique. Les premiers exemplaires sont, en effet, fabriqués par des entrepreneurs néerlandais cherchant à reproduire les traditionnels batiks indonésiens, qu’ils destinent au marché indonésien. Mais c’est sur le continent africain que ces imitations connaîtront le succès, grâce à des soldats ghanéens, enrôlés à Java par les Néerlandais au milieu du 19e siècle. En regagnant leur pays, la Côte-de-l’Or (actuel Ghana), à la fin du 19e siècle, ils emportent avec eux quelques-uns de ces tissus, qui suscitent l’engouement dans leur région. Les Européens décident alors de réorienter leur production vers leurs colonies ouest-africaines. À partir de la seconde moitié du 20 siècle, la production du wax se développe au Nigeria, au Bénin, au Burkina Faso concurrencée, notamment par les compagnies asiatiques. Le tissu devient alors l’enjeu d’un commerce mondial. L’exposition revient sur les grandes étapes de cette saga avec la mécanisation de la production au cours de la seconde moitié du 19 siècle, l’emprise de Vlisco, la manufacture historique des Pays-Bas, le succès de sa succursale ivoirienne Uniwax fondée en 1967, le rôle des « Nana Benz » puissantes femmes d’affaires au Togo à partir des années 1960…
Les motifs, point d’orgue du succès
Ce volet historique de l’exposition montre aussi que le tissu doit avant tout son succès à ses motifs, dont les bases iconographiques ont été posées dès le tout début du 20 siècle, et qui puisent leur spectaculaire diversité que dans les actualités politiques et sociales. La richesse de ce répertoire iconographique constitue aujourd’hui un véritable patrimoine, qui perdure tout en continuant d’évoluer : certains motifs connaissent un succès durable, d’autres ont un destin éphémère selon l’intérêt que leur porte leur clientèle soucieuse de sélectionner des modèles qu’elle pourra réinvestir de valeurs sociales et symboliques. De nombreux motifs à succès, comme La main, Morceaux de sucre, Fleur de mariage, Œil, Hibiscus, Hirondelle, Le sac de Michelle Obama, Robinet, L’œil de ma rivale, Tu sors je sors. On a aussi en mémoire, les wax avec les portraits de différents chefs d’État, sommet du kitsch textile dont les africaines se font des boubous lors de visites officielles.
Les artistes s’emparent du Wax
Depuis deux décennies, le wax suscite l’intérêt des stylistes, artistes et décorateurs qui revisitent sa signification historique et culturelle autant qu’ils explorent ses possibilités esthétiques. On se souvient par exemple et avec émotion des premiers défilés du styliste malien Lamine Badian Kouyaté (créateur de la marque Xuli Bët). Des photographes maliens Malick Sidibé et Seydou Keïta, de la photographe kenyane Thandiwe Muriu, du photographe sénégalais Omar Victor Diop, de l’artiste visuel Gombo, du peintre congolais Monsengo Shula, de l’artiste et designer sénégalaise Selly Raby Kane, de l’artiste ghanéen Michael Gah, de la peintre nigérianne Tonia Nneji, du sculpteur textile nigerian Samuel Nnorom, du peintre congolais Hilary Balu, de l’artiste congolais Sinzo Aanza, ainsi que de la photographe Krissima Poba et du sculpteur togolais Didier Ahadji. Le wax séduit aussi les auteurs de bande dessinée, pour preuve l’album Wax Paradoxe de Justine Sow paru chez Bayard éditions.
On l’aura compris voilà, une exposition intéressante qui remet à l’honneur un tissu qui n’est pas simplement destiné au continent africain et qui fait entre la couleur dans notre vie, ce dont on a grand besoin.
Wax – jusqu’au 7 septembre 2025 – Place du Trocadéro 75016 Paris –mnhn.fr