Le speakeasy de l 'Aedaen

Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un Speakeasy (parler facilement en français) : c’est un bar clandestin voire un tripot, qui était ouvert clandestinement durant la prohibition (1920 à 1933 ) aux États-Unis, qui par amendement, interdisait la fabrication, le transport, la vente, l’importation et l’exportation de boissons alcoolisées.   On devait s’isoler et se cacher pour boire de l’alcool avec des amis.  La mafia contrôlait cette industrie avec violence et les lieux étaient cachés pour éviter tout contrôle de la police, il fallait être coopté pour avoir accès à ces bars clandestins. On se transmettait, l’adresse et les mots de passe sous le manteau…

L’idée de l’Aedaen-Place à Strasbourg, est d’avoir recréé un Speakeasy à notre époque et dans un temps où l’alcool est en vente libre, challenge pas gagné. L’Aedaen-Place compte une brasserie, une pizzeria, un bar et bien sûr le speakeasy. On accède à ce dernier par la pizzeria et une porte qu’il faut reconnaître car elle est très habilement dissimulée. Dès celle-ci poussée, on est dans un ailleurs décadent mais poétique, certains murs et les plafonds sont bruts, d’autres sont couverts d’un papier peint rétro, les fauteuils disparates sont confortables et en velours de différentes couleurs.  De gros chandeliers à pampilles dispensent un éclairage élégant et apaisant. Un trophée de chasse africain règne en majesté sur un mur, rappelant aussi la cruauté de la chasse au gros gibier en Afrique.  On se croirait transporté dans le film de Clint Eastwood, Chasseur blanc, cœur noir (1990). 

On passe une porte vitrée et on arrive dans un petit salon et aussi à un étage, réservés aux fumeurs.  Là encore, le lieu est charmant et surtout fort bien ventilé. L’ombre de l’écrivain américain Ernest Hemingway plane sur le lieu qui est totalement hors du temps. Mais que serait un bar caché sans ses barmen experts ?  Rien de plus qu’un autre bar banal.  Fort heureusement, derrière le comptoir, règne le barman et consultant Lucas Gacitua-Petit qui, assisté du jeune Simon Kautz, préparent, sur un thème saisonnier (en ce moment, Les femmes célèbres), la carte de breuvages envoûtants avec ou sans alcool. Le duo maitrise parfaitement son sujet, il est à l’écoute de nos préférences et ils nous orientent avec subtilité sur des mélanges inattendus. Si vous aimez la princesse Diana, vous aimerez le cocktail qui porte son nom car il est tout simplement « princier ».  Il est composé de Gin Roku, Woska infusé à la camomille, Liqueur de pêche, Champagne Réserve brut. Vous êtes plus cérébral et fasciné par la recherche, on vous propose un cocktail Marie Curie.  Il est composé d’Absinthe, Aquavit, Liqueur de sapin, Vodka, Eau-de-vie de poivre de Sichuan, Citron Clarifié.  Le plus, il est posé sur un dessous de verre lumineux vert qui accentue la couleur de l’absinthe et servi dans un flacon gradué de laboratoire, c’est subtilement chic. On rappelle que l’Absinthe était la boisson préférée du couple de poètes Paul Verlaine et Arthur Rimbaud.

Le tour de force des deux acolytes est de donner vie à des cocktails sans alcool que l’on jurerait créés avec de l’alcool.  Exemple : le Helen Keller composé de Cordial pomme, céleri maison, Seedlip Garden, Eau gazeuse à la verveine. Le Jane Austen composé de Jus de raisin Merlot, Infusion d’épices maison, Thé Lapsang Souchong, Amer sans alcool, Poivre blanc de Penja.

Soyons honnêtes, avec celui-ci, on frôle la perfection dans l’illusion… 

Christian CHARRAT

Speakeasy Aedaen-Place –  6 rue des aveugles 67000 Strasbourg – Tél : +33 (0)3 88 25 02 00 –aedean-place.com