Le voyeur de Michael Powell
Cultissime : Le voyeur
Photo : DR
Un film pépite
des années 60
Michael Powell et son alter égo, Emeric Pressburger, sont connus pour avoir réalisés des chefs d’œuvre dont Les Chaussons rouges ou Le narcisse noir qui furent de gros succès. Ils créent leur maison de production The Archers Films.
Un jour, Léo Marks propose à Powell (seul) l’idée suivante : « Que diriez-vous de réaliser un film sur un jeune homme qui tue des femmes avec sa caméra ? ». Voilà de quoi retenir l’attention du réalisateur. Michael Powell et Leo Marks se connaissent depuis quelques années. Leo Marks propose à Powell une idée à laquelle il songe depuis longtemps : celle d’un homme obsédé, non pas tant par la caméra que par l’objectif de la caméra, qui vit sa vie à travers l’objectif d’une caméra, qui est même sexuellement obsédé par l’objectif d’une caméra. Powell y décèle un potentiel extraordinaire et engage Marks pour écrire l’histoire puis le scénario.
Il envisage dans un premier temps de prendre Laurence Harvey pour tenir le rôle du voyeur (Peeping Tom, est le titre original) et même Dirk Bogarde pourtant habitué à des rôles particuliers, refuse le rôle mais finalement, c’est le séduisant Karlheinz Böhm, connu en Europe pour son rôle de l’empereur François-Joseph dans la série des Sissi, qui est choisi et casse ainsi son image de prince charmant. Powell tient lui-même un rôle dans le film, celui du père du voyeur, un psychanalyste aux tendances sadiques obsédé par les mécanismes de la peur. On le voit réaliser des films amateurs en noir et blanc et filmer en permanence les émotions de son jeune fils, lequel lui sert de cobaye. Le propre fils de Powell joue le rôle de Karlheinz Böhm enfant. Le résultat est un film d’épouvante moderne mais brillamment réalisé et au rythme intense.
À Londres, il est programmé pour sortir sur les écrans au même moment que Psychose qui triomphe, c’est un très mauvais timing… Si le film d’Alfred Hitchcock recueille les suffrages du public et de la critique, le film de Powell, très éloigné de ses œuvres antérieures, déconcerte ses admirateurs. La critique le démolit et qualifie le film de répugnant et malsain. Les producteurs suspendent sa sortie avant de le revendre aux exploitants du cinéma porno. La réputation de ce bijou cinématographique est si mauvaise que le film provoque la ruine de son réalisateur…
Il faudra des gens comme Bertrand Tavernier et Martin Scorsese pour rendre à ce film tout l’honneur perdu. Aujourd’hui, on s’accorde pour le définir comme étant une véritable pépite des années 1960.
Le Voyeur – de Michael Powell avec Karlheinz Böhm et Moira Shearer – 1h41
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