ALAIN PACADIS

Face B

Une faune interlope avec
des mannequins sublimes

Tous ceux qui ont fréquenté le Sept, le Palace, les Bains Douches l’on, soit croisé, soit chercher à l’éviter… Alain Pacadis, journaliste pour le Gai Pied, Actuel et Libération entre autres, promenait sa musculature étriquée et misérable de junkie dans Paris. Il faisait partie des noctambules parisiens et était connu pour ses chroniques. Il bénéficiait d’un statut à part qui pardonnait son apparence très négligée. Il n’était jamais dans son état normal et dansait mal. Il fera une force de sa disgrâce. 

Le monde de la nuit est composé d’une faune interlope avec des mannequins sublimes de beauté, de jeunes gigolos aux bras de producteurs vieillissants, de couturiers décadents et alcooliques, de mondains frissonnants au contact de (beaux) voyous.  La clef pour entrer dans ces lieux est dans le désordre : la beauté, l’argent, la célébrité, l’étrangeté, le look ou le pouvoir.  Alain Pacadis avait le pouvoir par le biais des journaux pour lesquels il travaillait.  Cela lui ouvrait toutes les portes de ces lieux fabuleux où l’on savait s’amuser. 

Comment, ce gamin d’origine juive, né à Paris en 1949 et qui avant sa première manifestation en 1968 se passionnait plutôt pour Napoléon que pour le Velvet Underground, a atteint une telle réputation ?  Il manifeste contre la décision d’André Malraux de fermer la Cinémathèque d’Henri Langlois, mémoire vivante du cinéma. Les cinéastes Truffaut, Godard, Chabrol mènent le bal. Au cours d’une manifestation, il bouscule Jean Eustache, rebondi sur Jean-Claude Brialy avant de s’effondrer sur Jean Marais…

La mort de son père fut une libération pour lui mais la mort de sa mère qui s’est suicidée à 48 ans, le traumatise à tout jamais. Il découvre l’opium et la sexualité gay au temps de la pénalisation.  Il souffre de troubles bipolaires, il zone dans Paris avec des transexuels mais il rencontre la chanteuse et mannequin Nico, égérie du Velvet Underground.  Elle le prend en amitié et le loge chez elle un certain temps.  Ils se  droguent ensemble…  Il est plutôt laid avec ses 1m75 et 50 kilos mais il possède dit-on, un véritable atout sexuel qui le rendait très attrayant pour tourner des films porno gay si le journalisme lui faisait défaut. Il fréquente des travestis défoncés et quand il ouvre la bouche on dirait (dixit l’auteur Charles Salles) « Un morceau la barrière de corail couvert d’ordures… »

Au début ses articles ne connaissent pas le succès attendu mais au fil du temps, il devient le premier journaliste gonzo, se servant de sa vie décadente pour écrire.  Il publie un premier livre sous le titre Journal d’un jeune homme chic (…) paru aux Éditions Le Sagittaire. S’y ajoute des piges pour le magazine Façade, sorte d’Interview de Andy Warhol à la française. Il écrit aussi pour L’Écho des Savanes.  Il a 30 ans et sa notoriété est au sommet lorsqu’il est convié aux fêtes du Tout-Paris, au mariage de la chicissime Loulou de la Falaise avec Thadée Klossowski de Rola par exemple. Il embrasse Sao Schlumberger et Christina Onassis. Il côtoie Jack Lang qui est alors ministre de la Culture.  Il est témoin de ce que les années 80 offraient d’outrancier (les soirées, la sexualité débridée) et de pire (la drogue et le Sida.)  

Son appartement prend feu et c’est le début de sa descente aux enfers. Il meurt à 37 ans, son compagnon de l’époque est accusé de l’avoir étranglé.  Il se défend arguant que c’était à la demande de Pacadis.  Il est incinéré au Père Lachaise et ses cendres reposent au Columbarium (case N° 15359.)

Le livre de Charles Salles est un témoignage précieux non seulement sur un journaliste ébranlé par la vie, mais sur les années paillettes eighties de la vie parisienne. Une parenthèse qui aujourd’hui et dans le contexte actuel, prête le flanc à la nostalgie.  Car si l’excès était de mise, la joie existait, et l’on s’en souvient encore aujourd’hui…

Alain Pacadis, Face B – de Charles Salles – Éditions La table ronde – 272 pages – 22 € – editionslatableronde.fr

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