Ludwig

Le crépuscule des dieux

À l'Institut Lumière

Toutes les photos : D.R

Un témoignage précieux d'un maître absolu

L’Institut Lumière rend hommage au comte de Lonate Pozzolo, plus connu du grand public sous son nom de famille Luchino Visconti. L’aristocrate, issu de la grande famille des Visconti qui régna sur Milan jusqu’au XVème siècle, est un des génies du cinéma italien. Il est l’égal de Federico Fellini ou du sulfureux Pier Paolo Pasolini, chacun ayant un univers qui lui est propre et un talent indéniable. 

Visconti commence sa carrière avec des chefs d’œuvre en noir et blanc, tels que Rocco et ses frères avec l’ombrageux Alain Delon ou encore, Bellissima avec la très volcanique actrice, Anna Magnani (voir notre article).

Un changement d’univers

Avec Senso, il passe à la couleur et change d’univers en ne s’intéressant plus aux classes laborieuses mais plutôt à son milieu et à la décadence de ses pairs. Le réalisateur nous offre un témoignage magistral sur les grandes familles européennes. Avec 3 films monumentaux que l’on définit comme « La trilogie allemande » : le plus dérangeant Les Damnés réalisé en 1969, où il fait jouer son amant, Helmut Berger, et la fascinante Charlotte Rampling ; le sublime Mort à Venise co-écrit et réalisée en 71, avec la très élégante Sylvana Mangano ; et le troisième volet sorti en 73, Ludwig ou Le Crépuscule des Dieux, avec toujours l’inoubliable Helmut Berger au sommet de sa beauté et l’admirable Romy Schneider. Cette dernière accepte par amitié de reprendre le rôle de Sissi qui, quoique l’ayant rendu célèbre adolescente, lui pèse terriblement. Mais elle prend sa revanche sur le personnage mièvre incarné plus jeune, car la Sissi de Visconti est plus conforme à la réalité historique, une impératrice tourmentée, au caractère sombre, ombrageux. Romy y apparaît figée dans sa grâce pour l’éternité.

Un réalisateur fasciné par la décadence de ses pairs

Luchino Visconti est fasciné par la décadence, on retrouve d’ailleurs ce thème également dans Le Guépard et Violence et passion. Ludwig ou Le Crépuscule des Dieux n’y échappe pas. L’histoire du roi Louis II de Bavière le bouleverse et il en tire un film somptueux de par la beauté des acteurs, des décors et des costumes.  On y retrouve Helmut Berger parfait dans son rôle ainsi que le très séduisant Helmut Greim, troublant baron dans le film Cabaret de Bob Fosse. Homosexuel, le roi aime les beaux jeunes hommes. Ainsi en témoigne l’orgie dans une auberge proche du château royal avec la participation de ce dernier. Mais derrière les frasques et les fastes de la cour de Bavière, Ludwig brosse le portrait d’un homme d’exception, hypersensible et passionné. Un roi dont l’idéal n’est pas politique mais esthétique. Bâtisseur de châteaux extravagants, ébloui par l’art de Wagner, autant que par la beauté de sa cousine, l’impératrice d’Autriche (interprétée par Romy Schneider vingt ans après Sissi), ce monarque de la nuit noie bientôt ses déceptions dans la solitude et les orgies tristes jusqu’à l’avilissement. Devant la caméra de Visconti, le beau visage d’Helmut Berger se décompose au fur et à mesure des désillusions, évoquant, avec maestria, la décadence d’un siècle, la fin des dieux et des princes, la mort du héros romantique. Visconti dissèque avec grandeur la vie du roi Louis II, de son accession au trône, figure conquérante et magnifique, à sa rencontre avec le compositeur allemand Richard Wagner et l’emprise néfaste de ce dernier dont il devient le mécène très généreux au grand dam de la population.

Une autobiographie d’un être compliqué

Le spectateur suit fasciné, la lente déchéance de ce roi qui préférait la rêverie, l’art, la beauté, l’amitié et l’amour aux charges du pouvoir. Devenu par ses excès, laid et rejeté par son peuple et ses ministres, il affronte son tragique destin. La ressemblance est troublante entre le destin du roi décadent et de l’amant de Visconti. Pour s’en convaincre, il suffit de lire « Autobiographie – 70 ème anniversaire » de Helmut Berger paru aux Éditions Séguier. 

Ludwig ou le crépuscule des dieux est le témoignage précieux d’un maître absolu du septième art sur un destin royal brisé. C’est aussi une démonstration exemplaire du génie cinématographique de Luchino Visconti.  Un chef-d’œuvre à voir et revoir !

Christian Charrat

Ludwig ou le crépuscule des dieux – séance spéciale – Samedi 17 février à 19h30 – Institut Lumière 25, rue du Premier film 69008 Lyon – institut-lumiere.org

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