MAN RAY & RSF
100 Photos pour la liberté de la presse

Lee Miller de profil, 1930. © Man Ray 2015 Trust / ADAGP, Paris, 2025.
Muses et compagnes

Autoportrait, 1921 © Man Ray 2015 Trust / ADAGP, Paris, 2025.
Comme à chaque fois Reporters Sans Frontières nous charme avec un album photos superbe consacré cette fois-ci, à Man Ray, photographe préféré des surréalistes.
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Un américain à Paris
C’est à New York que le plus français des photographes américains débute sa carrière. Parce qu’il se rêve peintre, fasciné par les avant-gardes picturales européennes, son appareil Kodak lui sert d’abord à cadrer ses toiles. C’est après sa rencontre déterminante avec Marcel Duchamp qu’il envisage la photographie comme un médium à part entière, et pas seulement comme un moyen de fixer le réel. Aux États-Unis, l’art de Man Ray, jugé trop décalé et irrévérencieux, est largement incompris. En 1921, c’est sans hésitation qu’il suit son ami Marcel Duchamp à Paris. Dans la capitale, lui qui ne parle pas un mot de français devient aussitôt ami avec Éluard, Aragon, Breton, Soupault. Sa maîtrise technique et ses hardiesses esthétiques sont portées aux nues par les surréalistes, dont il deviendra le photographe presque officiel – quoique farouchement indépendant – en prenant part aux expositions et aux revues de cette nouvelle révolution artistique.
« Aucun bâtiment ne possédait plus de huit étages, le dernier était mansardé. On se sentait plus grand, plus important qu’à New York où les buildings rapetissent l’homme. » — Man Ray
Kiki et Lee, les femmes de sa vie
À Montparnasse, où il loge, il fait la rencontre de la célèbre Kiki. Elle est la muse de ses photos les plus emblématiques : Le Violon d’Ingres, où il appose à l’encre de Chine les ouïes d’un violon sur le dos de son amante, et Noire et blanche, où elle pose, la tête renversée à côté d’un masque africain. Au tournant des années 1930, il est sollicité comme photographe de mode par Vogue et Harper’s Bazaar, tandis que le Tout-Paris se presse chez lui pour se faire tirer le portrait. Il photographie l’écrivain Marcel Proust, dans son lit de mort. Il tire le portrait de : Georges Braque, Jean Cocteau, Louis Aragon, Ernest Hemingway, Peggy Guggenheim (jeune) et l’excentrique Nancy Cunard, Coco Chanel, le couturier Jean-Charles Worth (entièrement nu), Pablo Picasso et Luis Bunuel, la liste est longue et non exhaustive. Son talent se manifeste aussi dans sa vision des objets du quotidien avec la complicité de Marcel Duchamp. Il photographie magnifiquement des fleurs qui ont dû inspirer des années plus tard, le photographe américain Robert Mapplethorpe.
Sa rencontre avec Lee Miller en 1929 ajoute encore à sa légende. La mannequin américaine qui se rêve photographe (et le deviendra) le choisit comme maître et amant. Leur relation est passionnelle et tumultueuse, il faut lire le livre de Carolyn Burke Lee Miller paru aux éditions Nouveaux Mondes pour avoir une idée du quotidien de ce couple volcanique. Il la prend en photo partout et tout le temps, avant qu’elle ne mette fin à leur relation, en 1932. Si cette rupture bouleverse Man Ray, sa gloire est au zénith, alors que la guerre menace l’Europe. Juif, il fuit la France en 1940. Installé à Hollywood, il abandonne la photographie pour revenir à sa vocation première, la peinture. Mais le désabusement le ramène à Paris en 1951, accompagné de sa nouvelle femme, Juliette Browner. Ray ne ressortira que très épisodiquement son appareil photo avant sa mort, en 1976.
N’hésitant pas à se comparer à Léonard de Vinci dans son autobiographie (Autoportrait, 1963), adhérant avec enthousiasme aux révolutions dadaïstes et surréalistes, Man Ray a véritablement révolutionné la photographie, tant par l’innovation que par sa vision.
Man Ray – 100 Photos pour la liberté de la presse – Reporters Sans Frontières – pages 12,50 € – rsf.org