MARIA
Un film nécessaire
Toutes les photos : D.R
Une réelle humiliation
Le film Maria de Jessica Palud, présenté en sélection officielle au Festival de Cannes, met en vedette l’actrice d’origine roumaine Anamaria Vartolomei. Cette biographie de Maria Schneider, l’héroïne du Dernier tango à Paris réalisé par Bernardo Bertolucci, arrive à point nommé alors que le mouvement Me Too continue de secouer le monde du cinéma. Le film de Jessica Palud est d’une actualité troublante puisqu’il révèle l’humiliation et la violence vécues par Maria Schneider sur le tournage de ce film qui choqua la France entière.
Le cinéma, un univers d’homme pour les hommes
Palud a commencé sa carrière comme stagiaire et assistante sur divers plateaux de cinéma. Elle se souvient qu’il y a encore une dizaine d’années, cet univers était dominé par les hommes. Souvent la plus jeune et l’une des rares femmes présentes, elle a été témoin de nombreuses scènes d’humiliation envers les acteurs et actrices. Elle a elle-même ressenti l’emprise abusive de certains réalisateurs. L’histoire de Maria Schneider l’a profondément bouleversée. Elle ne cherche pas à accuser ou juger, mais à offrir un portrait de cette société à travers le regard inédit de cette actrice au destin brisé.
Maria Schneider était la fille du mannequin Marie-Christine Schneider et de l’acteur Daniel Gélin, qui étant marié ne l’a jamais reconnue. Les relations de Maria avec ses parents étaient chaotiques. Le père interprété par Yvan Attal dans le film, rend visite à l’enfant pendant quelque temps, puis cesse de la voir, ayant rompu avec sa maîtresse. Maria Schneider ne fait la connaissance de son père biologique qu’à l’âge de seize ans, en allant sonner à sa porte. Elle a ensuite avec lui des relations irrégulières, allant jusqu’à dire qu’elle ne l’avait rencontré que trois fois. Il lui fait découvrir les milieux du cinéma, en l’emmenant sur des plateaux de tournage. Sa vie change lorsque figurante, elle rencontre Brigitte Bardot dans le film de Jean Aurel, Les Femmes. La star planétaire la prend sous son aile. Elle lui rendra d’ailleurs hommage à sa disparition, à travers un texte lu par Alain Delon lors de la cérémonie d’adieu à l’église Saint-Roch.
Un tournage traumatisant, violent
Lorsque Bertolucci choisit Maria Schneider pour jouer le rôle de Jeanne, elle a 19 ans. Elle est encore mineure, la majorité à l’époque étant à 21 ans. Dans le scénario, elle rencontre un américain d’une quarantaine d’années, Paul interprété par Marlon Brando, (et joué ici par un Matt Dillon fort crédible dans le rôle), lors de la visite d’un appartement à louer à Paris. Paul loue l’appartement et retrouve régulièrement la jeune femme dans ce logement vide pour des rapports charnels qui deviennent de plus en plus violents, aboutissant à une scène de sodomie choquante, non prévue dans le scénario original.
Bertolucci et Brando avaient convenu de l’utilisation du beurre avant le tournage. Lorsque Marlon Brando baisse le pantalon de Maria et prend le beurre, ce n’est pas écrit. La jeune femme est prise par surprise et plaquée au sol. Le célèbre metteur en scène, dans ses propos à posteriori, reconnait clairement qu’il voulait les vraies larmes de Maria… Une réelle humiliation.
Une célébrité malsaine et grivoise
La violence de la scène laisse l’équipe sans voix et sans réaction tout comme les spectateurs. La jeune femme est brisée car le film provoque un énorme scandale qui lui vaut une mauvaise réputation et des plaisanteries insultantes. Pas préparée à affronter une telle célébrité, la jeune actrice perd pied. Traumatisée, elle sombre dans la drogue des années durant. Sa carrière au cinéma est irrégulière car on lui propose des rôles dénudés qu’elle refuse. Elle trouvera un semblant d’équilibre dans les bras d’une jeune femme Noor et assumera ouvertement sa bisexualité.
Le film Maria est excellent et nécessaire, car il incite à s’interroger sur ce milieu fascinant où les jeunes gens peuvent être la proie d’humiliations multiples et d’agressions sexuelles. Est-ce qu’une vision, du talent voire du génie, autorisent à traumatiser, brutaliser, voir même briser des vies ? La réponse est clairement, Non ! Lorsque Brigitte Bardot sur le tournage de La Vérité, est giflée par le réalisateur Henri-Georges Clouzot. Elle lui retourne aussitôt la gifle et lui dit « Moi, on ne me gifle pas ! ». La belle a du caractère, un exemple à suivre…
Christian CHARRAT
Maria – de Jessica Palud – avec Anamaria Vartolomei, Matt Dillon, Yvan Attal – 1h40’
À l’affiche le 19 juin 2024 –