mario testino
De la photo aux tribunaux...
Photo : © Mario Testino – Couverture Taschen
L'enfant chéri des rédactrices
Mario Testino compte parmi les plus grands photographes de la planète mode. Ce péruvien âgé de 68 ans, s’est construit une solide réputation dans le milieu féroce de la mode. Lui qui dit ouvertement : « Je ne suis pas un voyeur. Quand il s’agit de sexe, je préfère agir que regarder (sic). » Et c’est bien ce qui pose problème aujourd’hui car il a agi et visiblement à plusieurs reprises ainsi que l’écrit le très sérieux New York Times. L’enfant chéri des rédactrices de mode et des grandes marques de prestige, est mis au ban du microcosme fashion car 17 hommes : mannequins, assistants ont porté plainte contre lui pour harcèlement sexuel. Au même titre que Bruce Weber, lui aussi accusé par des mannequins hommes de harcèlement sexuel, ce dont les deux hommes se défendent…
La mode, si elle va loin dans des délires photographiques : le style Héroïne chic ou encore le Porno chic que l’on doit au trio Carine Roitfeld, Tom Ford et Mario Testino, n’aime pas les scandales surtout à l’ère du phénomène Me Too. Les grandes marques et les magazines prennent leur distance avec ces deux divas du cliché. Même la couronne d’Angleterre limite ses contacts avec Mario Testino qui avait pris des clichés – superbes – de la princesse Diana peu avant sa mort et de ses deux fils.
Les scandales sexuels dans l’industrie de la mode ne datent pas d’hier. Il suffit de lire l’excellent ouvrage de Baptiste Manzinali La nuit des chasseurs paru aux Éditions du Cherche Midi sur les pratiques des directeurs des agences de mannequins femmes dans les années 80. Ne dit-on pas que chaque médaille a son revers ? Concentrons-nous donc sur le beau côté de la médaille et revenons en à Mario Testino et à l’ouvrage – impressionnant – Sir consacré à son travail photographique par les Éditions Taschen.
Ce gros livre comporte une introduction brillante de Patrick Kinmonth « D’aprés nature » une conversation entre Mario Testino et Patrick Kinmonth. On découvre le parcours du photographe en devenir depuis Lina, sa ville natale et à travers différentes grandes villes du monde en compagnie des plus beaux mannequins de la planète. Il exprime de façon inattendue, sensuelle et excessive parfois, son attirance pour les hommes très beaux de préférence. Le milieu de la mode est fasciné par la beauté, il en a besoin pour exister c’est l’essence même de son univers, sa respiration.
Photo : © Mario Testino – Karl Lagerfeld, Paris, American Vogue 2004
Ironie de l'histoire
Si Weber est plus parlant avec ses clichés en noir & blanc, Testino maitrise la couleur et le noir & blanc. Il est convaincant dans les deux catégories. Snob comme tous les acteurs du milieu de la mode, il s’immisce dans différents cercles haut placés et il saisit les célébrités détendues et amusées en soirée. Il en fait des instantanés saisissants, moments joyeux, festifs loin des clichés de paparazzi. Il ne se contente pas des beautés mâles spectaculaires, il s’intéresse aussi aux hommes en uniformes que ce soit les membres d’une fanfare, les toréros qui malgré leur profession controversée sont objets de fantasmes sexuels des deux sexes. Les femmes sont souvent des alibis dans les clichés de ce très beau livre, telle la photo prise à Rio pour le magazine VMAN de trois mannequins hommes entourant la belle Izabel Goulart et dont les jeans ne cachent pas « l’émotion » qui les anime au moment de la prise de vue…
Les lecteurs, en feuilletant cette ode à la beauté masculine au fil des pages, ne pourront que s’exclamer : Yes Sir !
En 2014, Mario Testino fut fait Chevalier de l’Ordre de l’Empire Britannique pour services rendus à la photographie et à l’humanité. Ironie de l’histoire…
Sir de Mario Testino et Patrick Kinmonth – Éditions Taschen – 512 pages – 20 €
Photo : © Mario Testino – Vicente, Miguel et Sebastian Tintore ; Alvaro et Miguel Villacorta ; José Alfredo Koechlin – Lima 2014.
