Mortelles comédies

L’information mortifère...

Photo : © J’ai Lu

Analyse de la société contemporaine

À chaque fois qu’un journaliste prend la plume pour écrire soit un roman, soit relater un événement réel c’est souvent passionnant et bien écrit.  On pense à Florence Aubenas avec Le quai de Ouistreham paru aux Éditions Points, ou encore à Stéphanie Perez et son formidable Le gardien de Téhéran paru aux Éditions Plon.

Aujourd’hui, c’est le grand journaliste Robert Namias qui fut rédacteur en chef à Europe 1, directeur général adjoint, chargé de l’information à TF1 et directeur de la rédaction de Nice-Matin. Un beau parcours !

Robert Namias entraîne le lecteur dans un univers qu’il connaît bien, celui de la télévision et des courses à l’audimat que se livre les chaînes entre elles.  Il sait la folie des réseaux sociaux qui se mêlent d’informer avec plus ou moins de fondement. Il est difficile de ne pas reconnaître certaines grandes chaînes de la télévision et quelques grandes pointures actuelles de l’information, ce qui donne à son roman un poids supplémentaire. Il est vrai que les chaînes d’information en continue ont besoin sans arrêt d’un scoop. Qui n’a pas remarqué que ces dernières, qui se doivent d’informer à tous prix, occupent l’espace parfois avec rien, des détails frisant l’absurde et le ridicule (le couronnement du roi Charles III par exemple), ce que souligne le chroniqueur-humoriste Bertrand Chameroy tous les soirs de la semaine dans C à vous sur la 5.

Mais le roman de Robert Namias, ne donne pas envie de rire vu qu’il s’agit de meurtres. Un patron d’un grand groupe de presse et de télévision est froidement assassiné dans la rue.  Puis vient le tour d’un ancien célèbre policier à la retraite et s’y ajoute un journaliste directeur d’une chaîne concurrente, qui échappe de peu à la mort. Mais qui peut bien en vouloir à ces personnes ? Y a t’il un lien entre eux et si oui lequel ? Toutes les possibilités sont abordées : est-ce un groupe terroriste, un déséquilibré, une formation politique obscure ? Toutes les polices du pays sont sur les dents et la ministre de l’intérieure est prise dans la tourmente entre le Président qui exige des résultats et ses effectifs qui jouent la montre. 

Ce livre qui tient en haleine le lecteur est aussi une analyse de la société contemporaine.  

Robert Namias sait que le pouvoir d’un homme qui détient un empire dans la presse est énorme et parfois menaçant. Il évoque les politiques hommes ou femmes, les décrivant comme des masochistes qui se jettent dans l’arène pour se faire massacrer. Il évoque aussi, comment le Covid a bouleversé la société mettant des médecins éblouis par la lumière des studios, qui ont plongé dans une voluptueuse guerre picrocholine qui magnifiait leur existence. L’auteur écrit qu’au moment de la découverte des deux premiers crimes : « avec la presse le bal des âneries ne va pas tarder à s’ouvrir. » L’obsession du ratage et de la concurrence conduit à dire ce que l’on devrait taire parce que non vérifié.  Où le langage plus que d’ordinaire précède trop souvent la pensée….

Robert Namias – qui aime profondément son métier – livre un témoignage cinglant contre le monde télévisuel et les réseaux sociaux mais aussi sur les liens étroits entre la presse et le pouvoir. Une mise à jour d’un univers qui fascine les foules et les maintient en état de dépendance.  Il mélange le tout avec la traque d’un tueur qui nargue et menace les autorités et les présentateurs vedettes des chaînes, ce qui donne au final un très bon polar. 

Mortelles comédies de Robert Namias – Éditions J’ai lu – 352 pages – 8,50 € – jailu.com

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