musée des confluences - lyon
Zombis aux origines
Confort et Sérinité
Photo ci-dessus : La danse de Baron Samedi 2023 – Frantz Zéphirin (né en 1968) – Acrylique sur isorel – Collection Erol Josué « Concierge des défunts », ce loa conduit les morts vers l’au-delà, et est le chef de la famille des Guédés (esprits de la mort). Très élégant, Baron Samedi porte une redingote noire, un haut-de-forme, une canne, des lunettes avec un verre cassé (signe de frontière entre la vie et la mort) et du coton dans les narines (comme on fait pour les cadavres).© musée des Confluences – Olivier Garcin
Si vous avez raté, en début d’année 2025, l’exposition du musée Branly consacrée aux Zombis (« La mort n’est pas une fin »), réjouissez-vous : elle est programmée au musée des Confluences de Lyon jusqu’au 16 août 2026. Pour Lyon, elle a été remaniée et enrichie ; ainsi « Aux origines » invite-t-elle à découvrir la figure du zombie qui a émergé en Haïti au 17e siècle (et qui perdure aujourd’hui). Avec deux sources d’intérêt supplémentaires. La mise en scène est immersive (c’est une des spécialités du musée lyonnais) avec une salle de 14 mètres de haut et des décors développés (dont une « reconstitution » partielle du cimetière de Port-au-Prince). Et, le public peut découvrir des collections jamais montrées comme ces objets archéologiques accueillis dans les temples vaudous (céramiques, pierres taillées, haches, spatules datant de 1200 à 1500).
Pas de « Walking dead »
Pour prévenir toute déception, il faut signaler qu’on est loin de « Walking dead » et de « Thriller », des vampires et des morts vivants, popularisés au XXe siècle par une vague de films, de musiques et de jeux vidéo. Néanmoins, un espace est consacré à des extraits de bandes-annonces et aux affiches de ces longs métrages. Parmi lesquels, des nanars, mais aussi une pépite : « Zombi Child » de Bertrand Bonello (2019), « un film documenté qui ne dénigre pas Haïti », apprécie Philippe Charlier, commissaire de l’exposition au musée Branly, médecin légiste, anthropologue.
Drogué et enterré
La bonne idée est justement de faire intervenir ce fin connaisseur du sujet au fil du parcours avec de petits audios (et des pièces de ses réserves comme ces poupées vaudous introuvables dans les collections publiques). On remonte le temps à la recherche des origines. « Le vaudou haitien est une religion créée par l’arrivée des esclaves (en 1504), un mélange de plusieurs religions de l’Afrique subsaharienne, de catholicisme, de cicatrices de l’esclavage et de contacts avec les tribus caraibes » détaille le spécialiste. Le zombi qualifie un individu condamné par une société secrète, il devient alors un être mystérieux, drogué et manipulé, enterré, puis déterré : un « non mort ».
Séquences spectaculaires
L’environnement de ce processus est mis en scène avec des divinités, des objets. Et des séquences spectaculaires : reconstitution d’un temple vaudou, de tombes et d’un mausolée (commandé par une riche famille à Gustave Eiffel), ronde de vêtements cérémoniels, impressionnant tribunal de la société secrète Bizango (avec ses maîtres et ses ombres effrayantes). Un poisson toxique porc-épic ( trésor du musée des Confluences) est présenté : il sert à plonger la victime en état de mort apparente,
« Cadavre » réanimé
La menace que représente la zombification sert à maintenir l’ordre social et à compenser les insuffisances de la justice classique de l’île, indique le chercheur. Avant de souligner qu’une population de 55 000 personnes sur 11 millions d’habitants est concernée.
Avec ces poisons, auxquels s’ajoutent des croyances et des traditions, la personne jugée est plongée dans un état de mort apparente et enterrée rapidement. Dans la nuit, sa sépulture est profanée et le « cadavre » est réanimé avec un contre poison. « C’est une peine plus forte que la mort, car on ne sait pas si on sortira », témoigne Philippe Charlier, qui a tenté l’expérience pendant 1 heure 26 minutes. Privé de son libre arbitre, le « ressuscité » survit au service du sorcier qui l’a traité et son état d’hébétude est entretenu, entre autres, par une privation de sel.
La mort du sorcier ou une interruption de ce traitement peut aboutir au réveil du zombi et son possible retour à la liberté. Le plus : l’exposition présente les récits de sept individus considérées comme zombis. Ils viennent clore ce récit incroyable, totalement passionnant et terriblement vivant.
Isabelle BRIONE
Zombis, aux origines – jusqu’au 16 août 2026 au musée des Confluences, 86 quai Perrache, Lyon 2e. Entrée : 12 euros. Gratuit pour les jeunes de – 18 ans et les étudiants de – 26 ans.
A voir aussi « Amazonie » jusqu’au 8 février 2026, « Le mystère des anneaux par Laurent Ballesta» sur les profondeurs de la mer Méditerranée jusqu’au 19 avril 2026 et « Trop forts », une expo pour petits (dès 8 ans) et grands sur les étonnantes capacités de certains animaux. Plus d’infos : museedesconfluences.fr
Photo ci-dessus : Tableau figurant la cérémonie Marassa
Première moitié du 20e siècle – Attribué à Denis Vergin (1928-2009) – Peinture à l’huile – Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris. Saints Côme et Damien correspondent aux jumeaux Marassa (ti lè zanj), êtres divins aux pouvoirs surnaturels de guérison et de protection. Androgynes, ils sont respectés par tout initié, mais particulièrement adorés au sein des familles de jumeaux © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Patrick Gries