Pedro Almodovar
Ou la loi du désir cinématographique
Photo : Pedro Almodovar ©Festival de Cannes
Cinéaste des femmes
Comment définir le cinéaste Pedro Almodovar et son univers cinématographique ? C’est le défi qu’a accepté Luc Lagier dans son émission Blow-up sur Arte. Cependant, le sujet réalisé au moment de la sortie du film (décevant) Julietta ne prend pas en compte le magnifique Douleur et gloire et ni Madres paralelas qui n’étaient pas encore réalisés.
Pedro Almodovar, tout comme Federico Fellini et Luchino Visconti, a un univers bien à lui ce que retrace formidablement bien le sujet de Luc Lagier. S’y mêle des drames (Tout sur ma mère), la drogue, le sexe, les transgenres (Carmen Maura éblouissante dans La loi du Désir), les travestis (Gaêl Garcia Bernal dans La mauvaise éducation ou encore Miguel Bos dans Talons aiguilles), l’homosexualité (La loi du désir, Douleur et Gloire, etc.). L’humour et la religion sont aussi très présents (Dans les ténèbres, La mauvaise éducation) ainsi que la mort…
Ses génériques sont des œuvres d’art, la musique concordante à l’action et à l’émotion. Les plans de sa caméra sont spectaculaires et dans chaque film apparaît une scène « coup de poing » qui se grave à jamais dans nos mémoires. Dans Attache-moi, l’actrice Loles Leon danse avec un homme dans un fauteuil d’handicapé. Dans Talons aiguilles, Bibi Andersen dansant avec les détenues dans la cour de la prison est une scène tout simplement bluffante ! Que dire de la sensualité débordante de Asier Etxeandia dansant sur La vie en rose de Grace Jones sur un simple fond bicolore dans Douleur et gloire. C’est simple, c’est sensuel, c’est fort, c’est encore une évidence du talent que Almodovar garde en réserve pour ses prochains films.
Mis à part la fascination de l’auteur pour les téléphones de diverses couleurs dont le rouge, il souligne ses scènes par des décors immédiatement reconnaissables qui garnissent les pages des magazines de décoration. On le définit comme un cinéaste des femmes tout comme George Cukor qui magnifia Greta Garbo, Katharine Hepburn ou Marilyn Monroe. C’est le cas de nombreux homosexuels (il vit en couple avec l’acteur Fernando Iglesias depuis plus de vingt ans) qui par le biais de la mode, de la photo, du cinéma, magnifient ces femmes qui les inspirent. Le public adhère à son univers et aime sa bonhomie, cela toutefois cache une vraie rigueur, un perfectionnisme propre aux gens de talents. Il reçoit le Prix Lumière en 2014 lors du Festival Lumière de Lyon et filme la sortie du hangar Lumière avec les célébrités présentes à cette occasion. Il fit refaire la scène à de nombreuses reprises et l’actrice Rossy de Palma habituée à la façon de travailler du Maestro, menait joyeusement la troupe pour le plus grand plaisir du public. Agacé par ses prises successives l’acteur Keanu Reeves, sortit des rangs en hurlant contre le réalisateur qui imperturbable ordonna une nouvelle prise.
C’est aussi cela le cinéma…
PS/ Son dernier court métrage présenté à Cannes, Strange way of life avec Ethan Hawks et Pedro Pascal sortira en salles le 16 août prochain.