Pierre et Gilles
Nuit électrique
Vive la retraite (Autoportrait – Pierre et Gilles), 2024 Photographie imprimée par jet d’encre sur toile et peinte | Ink-jet photograph printed on canvas and painted 106 × 146 cm — 41 3/4 × 57 1/2 in (encadré | framed) © Courtesy des artistes et TEMPLON, Paris – Brussels – New York
Jouer sur les ambiguïtés
L’exposition incontournable de la rentrée est celle de Pierre et Gilles, un couple gay trés doué. Depuis plus de quarante ans, ils réalisent des portraits oniriques à la frontière entre peinture et photographie. Avec leur nouvelle exposition « Nuit électrique », le duo assume sa longévité, sa place de portraitiste de l’époque et de pionnier des questions LGBTQI+. Pourtant c’est toujours quand on croit bien les connaître que Pierre et Gilles surprennent. Avec leurs nouveaux tableaux, créés au cours de ces deux dernières années, les artistes s’amusent de leur statut d’icônes pour dresser une galerie de portraits nocturnes et décalés.
Un langage unique
Le couple formé par Pierre le photographe et Gilles le peintre a mis en place depuis 1976 un langage unique mêlant références à la culture populaire et à l’histoire de l’art, à la fois merveilleux et subversif, insolite et engagé. Hantée par la lumière artificielle des néons, leur nouvelle série, inédite, possède l’éclairage des bas-fonds et des paradis artificiels. Nostalgie euphorique des années Palace, la boîte mythique à laquelle ils sont si souvent associés. L’énergie et la folie de ces soirées restent gravées à jamais dans la mémoire de ceux qui ont survécu à l’épidémie du Sida et à l’épreuve du temps. Pierre et Gilles mettent en scène quelques-uns de leurs personnages favoris – le marin, l’ange, le voyou, le poulbot. Ils sont placés dans des espaces indéfinis, interlopes, entre le club, la fête foraine ou le cabaret. Leurs modèles, tantôt dénudés ou tatoués, couples amoureux ou solitaires désabusés, forment une foule aguicheuse, joyeuse, vaguement inquiétante. Au milieu de cette jeunesse gay, trans, métissée, Pierre et Gilles présentent deux autoportraits. L’un empreint d’une grave mélancolie les présente séparément. L’autre les campe en retraités guillerets, dans un décor de carte postale désuet. En jouant sur l’ambiguïté des registres, ils embrassent avec humour leur univers « camp ». En creux, ils dessinent un monde trouble, oscillant entre optimisme et désillusion.
Deux muses de longue date
En contrepoint, le duo dévoile deux portraits de leurs muses de longue date : Amanda Lear, en actrice de théâtre de boulevard, ce qu’elle est depuis quelque temps déjà. Sa résilience se rappelle à nous par le biais de sa chanson Follow me qui accompagne la publicité Coco Mademoiselle de Chanel. Et Isabelle Huppert, toujours très active, en majestueuse Mary Stuart. Les deux éclairent par contraste l’originalité du nouveau travail sur la lumière de ces deux artistes. Le traitement de l’éclairage artificiel, cru, qui jamais ne décline, mais transfigure les êtres, est un des aspects les plus radicaux de leur pratique récente. Il peut être lu comme une puissante métaphore de la résistance au passage du temps qui nivelle tout, les existences et les combats. Quelle bienveillance la communauté LGBTQI+ a-t-elle réussi à gagner après plus d’un demi-siècle d’avancées sociétales ? Quelle place et quelle considération pour les marginaux d’aujourd’hui ?
La réponse est peut-être dans l’exposition…
Pierre et Gilles – de Pierre et Gilles – Galerie Templon –Du 3 septembre au 19 octobre 2024 – 28 rue du Grenier Saint Lazare 75003 Paris – Tél : + 33 (0)1 42 72 14 10 – paris@templon.com – templon.com