QUEER DE LUCA GUADAGNINO

Un junkie pathétique en mal d'amour

La mue spectaculaire de Daniel Craig

Pour ceux qui l’ignore encore, le mot anglais Queer désigne un homosexuel. C’est le titre du dernier film du réalisateur italien Luca Guadagnino. C’est lui qui avait fait découvrir aux cinéphiles, l’acteur franco-américain Timothée Chalamet, dans Call me by your name. Il s’est emparé du livre Queer de William S Burroughs et le porte avec fidélité à l’écran. Bien que classé en tant que roman, Queer ressemble plus à une autobiographie avec de nombreuses références à la vie décadente de Burroughs, notamment à la fin. On retrouve avec stupéfaction dans le rôle principal Daniel Craig. Après avoir laissé James Bond pour mort, Daniel Craig revient en junkie homosexuel et nous convainc, s’il en avait encore besoin, de son immense talent de comédien.

Une performance à contre emploi

L’acteur anglais crève l’écran dans ce rôle d’homosexuel vieillissant, alcoolique et drogué. Un véritable challenge dans un tout autre registre. Magistral, il casse son image d’homme viril pour s’afficher avec une grande sensibilité et ingéniosité dans ce personnage pathétique. Il n’hésite pas à se mettre à nu au propre comme au figuré.

Craig joue le rôle d’un expatrié américain à Mexico, William Lee, passant ses journées dans une certaine solitude. Il fréquente pourtant d’autres membres de la communauté gay américaine, buvant et se droguant. Son comportement excessif et alcoolisé éloigne peu à peu son entourage. Il trompe sa solitude par des rapports sexuels tarifés avec de jeunes prostitués masculins. Un jour il croise la route d’un jeune et beau garçon, Eugene Allerton (Drew Starkey, révélation de l’année) dont il s’éprend d’une manière frôlant l’obsession mais ce dernier distant et mystérieux, bien qu’ayant cédé à ses avances, le repousse progressivement. Cherchant à se l’attacher par tous les moyens, il lui propose, moyennant finance, de l’emmener avec lui dans sa quête d’une plante hallucinogène le Yagé. Connue aussi sous le nom d’Ayahuasca, la consommation de cette plante entraine de façon passagère une profonde modification de la conscience avec une autre perception de soi et du monde. Eugene finit par accepter de le suivre sans se douter de ce qui l’attend… Les deux hommes n’arrivent à communiquer sincèrement que sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue.

Un cinéaste aux multiples talents

Le réalisateur, aidé par un chef opérateur de talent et de beaux cadrages, récrée avec justesse les années 50, la moiteur de la jungle et la chaleur de Mexico. Les effets spéciaux donnent une amplitude onirique et gore aux hallucinations des deux junkies. Mais c’est surtout une vision de l’amour entre hommes très pessimiste où se pose également le problème de l’âge. Un film réussi et esthétisant sur le désir, la solitude et la nostalgie du temps qui passe.

On découvre aussi que Luca Guadagnino est un créateur protéiforme car il a décoré récemment le Palazzo Talia, un boutique hôtel 5 étoiles à Rome. À voir sur   pallazotalia.com/it

Christian CHARRAT

Queer  de Lucas Guadagnino avec Daniel Craig, Drew Starkey, Jason Schwartzman – 2h16,

Photo : © Yannis Drakoulidis

Photo : © Yannis Drakoulidis

Photo : © Yannis Drakoulidis

Photo : © Yannis Drakoulidis

QUEER DE LUCA GUADAGNINO