Thierry frémaux
Ou l'intimité de l'amitié
Photo : © M.Hartmann
Jamais je n'ai essayé de faire. J'ai fait.
On savait ces deux là très amis mais nous ne savions rien de leur rencontre. Ce que l’on savait par contre, c’est qu’ils communiaient au temple du cinéma. Cette ode à l’amitié qu’est le livre de Thierry Frémaux (Directeur de l’Institut Lumière de Lyon et délégué général du Festival de Cannes) « Si nous avions su que nous l’aimions tant, nous l’aurions aimé d’avantage » paru aux Éditions Grasset est très touchante. Thierry Frémaux, confesse qu’il paraphrase Frédéric Dard pour le titre de son livre mais on ne peut lui en vouloir tant cette phrase est poignante.
Qui n’a pas eu dans sa vie des regrets de ne pas avoir suffisamment aimé un être humain voire un animal ? Thierry Frémaux est un brillant orateur tout comme Bertrand Tavernier, c’est un fait établi. Il a aussi une belle plume et de touchantes pensées qui l’honorent. C’est ainsi que l’on peut lire en ouverture « On ne l’a pas enterré, on l’a regardé s’éloigner. »
On ne peut que rejoindre l’auteur lorsqu’il écrit que : « Le talent réside aussi dans le regard que l’on porte sur les choses. » Ou encore, « qu’il est toujours dangereux de rencontrer les gens que l’on admire.»
Thierry Frémaux est tombé sous le charme de cet homme si érudit, brillant, passionné et drôle. Que ce soit sur scène ou dans un fauteuil de cinéma à l’Institut Lumière, dont il était le fondateur et qu’il protégeait de son énergie et nourrissait de sa science. Mais ce qui fascinait, le public ou les gens qui l’approchaient, c’était son accessibilité et son incroyable maîtrise du 7ème Art. Thierry Frémaux confesse avoir énormément appris de lui car il était l’auditeur privilégié d’un savoir. C’était son mentor et son ami sincère et il insiste sur le fait qu’une amitié se déploie toujours en moments multiples, successifs, qui en approfondissent l’intensité en même temps qu’ils la testent.
Le parcours de Bertrand Tavernier est, tout comme ses films, éclectique, c’est un poncif. Il écrivit pour les célèbres Cahiers du cinéma, Positif, Cinéma, Présence du Cinéma, Fiction, c’est dire qu’il savait de quoi il parlait ! Mais ce qui est moins connu peut-être du grand public ? C’est qu’il était l’attaché de presse de Stanley Kubrick et il mit fin à son contrat en lui écrivant « En tant que cinéaste vous êtes un génie, mais dans le travail, vous êtes un crétin. » Son parcours professionnel est accessible à tous sur Wikipédia mais le site ne peut exprimer, l’amitié, l’affection, l’amour, la tendresse des êtres. Thierry Frémaux, lui, ouvre une porte sur qui était vraiment cet homme dans l’intimité de l’amitié.
Par les écrits de Thierry Frémaux et au fil des pages, on en apprend tant sur le cinéma et les goûts de BT comme il l’appelait. Il nous révèle que le réalisateur Michael Powell, réalisateur très inspiré, est tombé dans le dénuement après le scandale anglais du film Le Voyeur. Film qui est une pépite que l’on doit avoir vu au moins une fois dans sa vie. Il rappelle aussi à notre souvenir, l’irradiante étoile éphémère qu’était l’actrice Christine Pascal. Si elle avait vécu, sa place dans le cinéma français aurait été gigantesque. Elle était remarquable dans Des enfants gâtés de Bertrand Tavernier et dans La meilleure façon de marcher de Claude Miller.
Ce qui est passionnant dans le livre de Thierry Frémaux, c’est qu’il met en avant, non seulement un cinéaste de talent mais aussi un homme qui surtout agissait et qui disait :
« Jamais je n’ai essayé de faire. J’ai fait. »
Quel exemple !
C.C
Si nous avions su que nous l’aimions tant, nous l’aurions aimé davantage de Thierry Frémaux -Éditions Grasset -213 pages -19 €