Veruschka
Une déesse contemporaine
© Éditions Rizzoli
Sans domicile à la libération
Née comtesse Vera Gottliebe Anna Gräfin von Lehndorff, elle est plus connue sous le pseudonyme de Veruschka. Elle fut le premier supermodel qui fascina les plus grands photographes de mode dont Richard Avedon, Irving Penn, etc. qui la sublimèrent via leur objectif durant des années.
Cette géante, car à quatorze ans elle mesurait déjà 1m83, venait d’une très riche famille allemande qui habitait un château de cent pièces. Son père, le comte Heinrich von Lehndorff-Steinort, était un beau propriétaire terrien, réserviste de l’armée allemande, devenu membre de la résistance allemande après avoir vu battre et exécuter des enfants juifs. Son épouse était elle aussi, belle. Il fut condamné à mort pour avoir participé au complot ayant mené à une tentative d’assassinat contre Adolf Hitler le 20 juillet 1944. Après sa mort, le reste des membres de la famille furent internés en camps de concentration et ce, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. À la libération, Veruschka, sa mère et ses sœurs se retrouvèrent sans domicile…
1- © From Vera to Veruschka. The Unseen Photographs by Johnny Moncada, 1963. © Johnny Moncada Archive Veruschka : Sur le tournage de Blow-up. « Vos yeux à demi clos sont séduisants » me disait Michelangelo Antonioni.
2- © Johnny Moncada Archive Veruschka : Les capuches me font me sentir bien.
3- © Johnny Moncada Archive Veruschka : Les prises de vue en plongée… J’ai toujours adoré – le photographe Johnny Moncada aussi.
La chance lui sourit
Elle fait des études d’art à Hambourg puis à Florence où elle est découverte, à l’âge de vingt ans. Elle rencontre à Paris, la célèbre Eileen Ford directrice de l’agence éponyme. Elle s’installe à New York mais curieusement, elle ne travaille pas, il faut dire que sa taille pour l’époque, pose problème. Elle se rend à Milan et prend le pseudonyme de Veruschka et se prétend russe. La chance lui sourit enfin et elle commence à beaucoup travailler. En 1966, elle fait une apparition dans son propre rôle dans le magnifique film de Michelangelo Antonioni Blow-up. On y découvre aussi une toute jeune anglaise, Jane Birkinqui elle aussi, deviendra un phénomène.
Veruschka apparaît sur la couverture de nombreux magazines de mode (plus de 800 !) mais pas seulement, car elle fait la couverture du très prestigieux magazine Life avec le titre « La fille que tout le monde regarde » . Elle gagne jusqu’à 10.000 dollars par jour, ce qui dans les années soixante est considérable. La très chic, puissante et inspirée Diana Vreeland, rédactrice en chef du Vogue USA, la fait beaucoup travailler et elle parcourt le monde en déployant son corps de liane sur tous les continents. Sa beauté et personnalité subjuguent les gens de la mode dont Yves Saint Laurent, elle rendra célèbre la saharienne mythique du couturier car elle est photographiée pour le Vogue par Franco Rubartelli, son compagnon de l’époque.
1- © Johnny Moncada Archive Veruschka : De Vera à Veruschka…
2- © Johnny Moncada Archive Veruschka : Mélancolique à Florence.
3- © Johnny Moncada Archive Veruschka : De Vera à Veruschka…
Dieu créa Veruschka
La belle est avant tout une artiste, elle côtoie Salvador Dali et Peter Beard qui l’emmène en Afrique où elle peint son somptueux corps pour se fondre au décor. On murmure que ses transformations ont inspiré le réalisateur James Cameron pour son film Avatar. Elle a un sens aigu du travestissement bien avant l’artiste chinois Liu Bolin. Elle se transforme en homme sans aucune difficulté, même en rappeur ou maquereau elle est criante de vérité. Elle publie un livre –Veruschka – trans-figurations avec Holger Trulzsch et une préface de Susan Sontag, publié par Thames & Hudson. Elle fait de son corps sublime, un manifeste, une œuvre d’art à part entière que l’on découvre dans le film de Peter Morrisey et Bern Böhn, Versuschka : A life for the camera. Elle est une artiste reconnue.
On peut la voir aussi sur le DVD paru chez Pyramide Films consacré à Diana Vreeland : The eye has to travel. Elle évoque sa relation privilégiée avec la papesse du chic. Après une grave dépression, elle quitte le monde de la mode en 1975, se consacrant à son art. Elle fait toutefois de très rares apparitions sur les podiums pour Karl Lagerfeld en 1995 et pour Giles Deacon en 2010. Elle demeure la plus marquante des mannequins de par sa beauté incontestable et incontestée. Elle fut la première des supermodels au salaire faramineux et elle restera à jamais gravée dans la mémoire des étudiants en mode et jeunes photographes rêvant de croiser un jour un mannequin de son statut. La perfection physique faite femme fait d’elle une déesse animée. Elle se raconta dans un très beau livre paru aux Éditions Rizzoli : De Vera à Veruschka dont son extraites les photos.
Dieu ne créa pas uniquement la femme et Brigitte Bardot, il créa aussi Veruschka, icône absolue d’un milieu obsédé par la beauté.
C.C
From Vera to Veruschka – Éditions Rizzoli -75 €
Veruschka : A life for the Camera de Paul Morissey & Bern Böhm -2005-1h18
Diana Vreeland, the eye has to travel – Pyramide films