Vincent LINDON

Magistrale Masterclass

Plus on s'écarte de la vie, moins on vit

Présent au Festival Lumière, Vincent Lindon s’est adonné à une Masterclass – terme qu’il déteste- dimanche 23 octobre, aux côtés d’Anne-Elisabeth Lemoine, présentatrice de C à Vous. Au programme, quelques imitations de Thierry Frémeaux, Directeur du Prix Lumière, confidences sur sa vision de la société et le cinéma…

Si nous avons été interdits de téléphones et de prises de photos, le personnage n’en est pas moins agréable. En effet, Vincent Lindon, acteur auréolé de la Palme d’Or 2021 avec le film Titane de Julia Ducournau et président du dernier festival de Cannes, a quand même préparé deux ou trois réponses aux spectateurs de sa masterclass. Pendant ces 2h30 de conférence, l’acteur qui se présente comme « Monsieur Tout Le Monde », nous livre avec humour et franc parler ses anecdotes.

Après avoir récemment fait le buzz pour avoir dévoiler sa position contre la très controversée future coupe du monde au Qatar, il réitère en posant son regard sur la société actuelle. Sans filtre, il dénonce ce qui l’agace avec passion et nous force à nous questionner. En quelques secondes, vous vous mettez à remettre en question tout votre feed Instagram composé de photos de vacances, de vos restaurants préférés ou de votre chat. « Ce que vous mangez je m’en fous » déclare-t-il. Il s’indigne devant ceux qui ne vont jamais voter, « C’est un droit qu’on a acquis avec les larmes et le sang et tu ne l’utilises pas, tu es un âne », ceux qui tentent par tous les moyens de « rester dans le coup, quitte à renier leurs convictions ou leurs identités ». Les rencontres, les échanges, les engueulades, au final c’est ça qui anime ce cher Vincent Lindon. Il déclare « n’aimer qu’une seule chose au monde : les gens ».

Après avoir émis son jugement pointu et avisé sur la société, il s’attaque au cinéma. Pour lui, jouer est un plaisir trop court qui ne l’intéresse pas. Il préfère l’écriture, les rencontres… Il raconte ses relations avec les metteurs en scène comme il le ferait avec une romance : le tout animé par la passion. « Quand je fais un film, je n’ai envie de parler qu’à lui pendant deux mois. La plus belle relation au monde, quand ça se passe bien, c’est celle d’un metteur en scène avec son acteur. C’est indescriptible » Sombre, il parle de l’aisance à laquelle il est facile dans ce milieu de sombrer dans la drogue et l’alcool et met en garde. Conscient qu’il existe une certaine compétition entre les acteurs, il explique que ce milieu est très violent.

Pourtant, il admire les artistes, qu’il considère comme des athlètes. « Il y a des cons, des sacs à merde, mais quelque part, même eux, je les aime, car eux aussi sont des athlètes » Car oui, il semble à part, comme s’il se trouvait banal et s’étonne encore lorsque l’on scande son nom. « Plus on s’écarte de la vie, moins on vit, moins on va dans la rue, moins on boit des coups, moins on parle, plus on a des bagnoles, plus on a des filtres, plus on a des parois qui nous séparent, plus on se perd. On croit qu’on se recentre, mais on s’éparpille. On perd son talent… Il faut être là. Il faut discuter. Certains se donnent une illusion, ne voient personne, font que d’énormes festivals et se trouvent géniaux…Ce n’est pas ça la vie. Il faut parler avec les restaurateurs, les serveurs, les gens de la rue. Il faut s’en nourrir. On est des sangsues, on vous pique des trucs. Si on ne vous voit plus, on ne sait plus rien faire. »

Très lucide quant à sa personne, Vincent Lindon a conscience qu’il peut faire peur. Poussant sans cesse ses interlocuteurs à se questionner. Thierry Frémeaux lui dira même ; qu’il ne sait rien prendre à la légère. Mais c’est ce qui fait son charme. Il est pointilleux, engagé, humble et entier. Il sait être drôle mais aussi réaliste. Le réalisateur Philippe Le Gay, présent également, le comparera à un homme « dans la tradition de Jean Gabin : quelqu’un avec une fragilité et une innocence d’enfant ».

Pour conclure ces 2 heures et demi passionnées et passionnantes, il déclare que le Festival Lumière est le plus beau et le plus incroyable des festivals et s’émerveille devant la quantité de personnes venues et les salles remplies. S’il affirme « crever d’envie de faire un film comme metteur en scène et de faire du théâtre pour jouer le Misanthrope », ce ne sera hélas pas pour tout de suite…

Alexia SOLER

Festival-lumiere.org

Vincent lindon

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