WORTH AU PETIT PALAIS

Naissance de la haute couture

Robe habillée, 1894-1895. Soie, satin, broché, dentelle mécanique, passementerie. Musée des Arts Décoratifs – D.R

Charles Frederick Worth, dandy visionnaire

Robe du soir portée par Franca Florio, 1900-1905.
Palazzo Pitti / Galleria del Costume , Florence, Italie.
© Museo della Moda e del Costume, Palazzo Pitti, Gallerie degli Uffizi, Florence. Ministero della Cultura.

 

Dans les galeries feutrées du Petit Palais à Paris, le nom de Worth s’épanouit comme un parfum oublié que l’on redécouvre avec vertige. L’exposition événement Worth, inventer la haute couture, fruit d’une collaboration inédite entre le Palais Galliera et le Petit Palais, n’est pas qu’un hommage au couturier ; c’est un retour aux sources, à l’acte fondateur de la haute couture, à cette époque où Paris décidait que l’élégance serait une affaire d’art et de pouvoir.

400 œuvres pour un siècle d’élégance

Présentée sur 1 100 m² au cœur des grandes galeries du musée, cette rétrospective exceptionnelle déploie plus de 400 œuvres – robes, manteaux, accessoires, portraits, gravures – issues de collections internationales prestigieuses. À travers elles, c’est presque un siècle d’histoire de la mode que l’on traverse, du Second Empire aux Années Folles, en suivant les pas d’une Maison qui a imposé le luxe parisien comme une norme mondiale.

Naissance d’un empire du luxe

Charles Frederick Worth, dandy visionnaire d’origine anglaise, débarque dans la capitale impériale avec une ambition aussi démesurée que ses crinolines : faire de la mode un empire. Pari tenu. Celui qu’on appellera bientôt le « roi des couturiers et couturier des rois » façonne la silhouette féminine comme un sculpteur sa muse. C’est au 7 rue de la Paix, adresse mythique de sa maison fondée en 1858, qu’il pose les bases de ce que nous appelons aujourd’hui la haute couture : création, exclusivité, signature.

C’est aussi entre ces murs que s’éveillera la vocation d’un certain Paul Poiret, engagé chez Worth à ses débuts. Il y apprendra les rouages du luxe avant de révolutionner à son tour l’allure féminine du XXe siècle. Preuve que l’héritage Worth irrigue toute la modernité de la mode.

Un héritage toujours vivant

Ce que l’on contemple ici, c’est l’invention de la marque, du style comme manifeste. Avant Worth, la couturière restait anonyme. Après lui, le nom sur l’étiquette devient une déclaration. Dior, Chanel, Balenciaga : tous marchent sur ses traces.

La scénographie, tout en velours et lumières tamisées, évoque un boudoir impérial traversé par les fantômes de Pauline von Metternich ou de l’impératrice Eugénie. On est saisi par la modernité de certaines coupes, la beauté spectaculaire des étoffes, des broderies, la théâtralité assumée de chaque tenue. Mais plus encore, par le récit tissé en filigrane : celui d’un homme qui comprit avant tous les autres que la mode serait spectacle, commerce et art à la fois.

Cette exposition hors normes est plus qu’une rétrospective : c’est une fresque historique et esthétique, retraçant aussi bien les créations de la Maison Worth que les destins de celles et ceux qui l’ont faite rayonner. Une immersion rare et précieuse dans l’atelier où la mode moderne a pris forme, jusqu’à redéfinir la notion même de luxe. Première griffe internationale, c’est le début d’un rêve à la française. Un rêve qui continue de défiler, chaque saison, sur les podiums du monde entier.

Sylvie DI MEO

Worth, inventer la haute couture – Petit Palais jusqu’au 7 septembre 2025. Avenue Winston-Churchill 75008 Paris. Tarif entre 15 et 17 €- gratuit pour les -18 ans. https://www.petitpalais.paris.fr/expositions/worth-0

Robe de cour de Lady Curzon, vers 1900. Corsage, jupe et traîne en soie crème avec broderie zardozi en fils métalliques argentés et dorés.
Fashion Museum Bath, Royaume-Uni.
© Fashion Museum Bath / Photo Peter J Stone.

 

Robe du soir dite « Robe aux lys », vers 1896.
Velours de soie noir, incrustations de satin de soie duchesse blanc ivoire en forme de branche de lys bordées d’un cordonnet de fils d’argent doré. Broderies de perles, paillettes, strass et fils métalliques d’argent doré.
Palais Galliera, musée de la Mode Paris / Palais Galliera. D.R