Yves saint laurent et la photographie
Une exposition réussie et un livre tout aussi attrayant

Il devient un monument du patrimoine français

Guy Bourdin. Modèles de la collection haute couture automne-hiver 1976 dite « Opéra-Ballets russes », Hôtel Sheraton, Vogue (Paris), septembre 1976. Crédit photo : © Yves Saint Laurent © The Guy Bourdin Estate 2025. Avec l’aimable autorisation de la Louise Alexander Gallery. © Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent (pages 76-77)
L’exposition consacrée au couturier Yves Saint Laurent à la Fondation Luma à Arles et dans le cadre des Rencontres de la photographie est un événement majeur et pas uniquement pour les fashionistas. Le génial créateur faisait partie de la vie des français et pas uniquement des Happy Few qui pouvaient le croiser au Club Sept ou au Privilège. C’est devenu un monument national, une icône tout comme Alain Delon ou Brigitte Bardot… Il est très tôt le sujet des photographies de mode (21 ans) lorsqu’il devient directeur de la très célèbre maison de couture Christian Dior. Sa jeunesse et sa timidité charment les photographes. Dès la création de sa maison de couture avec son compagnon Pierre Bergé, génie de la finance, la marque Yves Saint Laurent explose, réservée dans un premier temps à la haute couture, son talent fait fureur dans le monde entier avec la collection de prêt-à-porter Saint Laurent Rive Gauche.
Les collections, une malle aux trésors pour les photographes
Les magazines et les photographes de mode aiment l’univers Saint Laurent, ses audaces aussi, comme poser nu pour la publicité de son parfum pour homme, sa créativité et sa longue silhouette. Certains se souviendront longtemps de ses robes en crêpe de chine de la maison Bianchini-Férier avec des plis doubles nécessitant des heures de travail mais soulignant les hanches des femmes d’une discrète et distinguée volupté. Plus que des vêtements, il leur offre une attitude, une nouvelle féminité. Comme avec la création d’une garde-robe masculine qui leur est destinée. Il ose même les transparences et les seins nus… Tout l’influence, que ce soit les voyages à l’étranger, le folklore et l’art en priorité. Les photographes ont matière d’inspiration avec en prime, la beauté des premières top model de l’époque. Ou encore avec la sublime comtesse Vera von Lehndorff qui pose devant son compagnon, le photographe Franco Rubartelli, avec une saharienne, devenue culte synonyme de succès ; ou encore la magnifique anglaise Jean Shrimpton, dite la crevette, photographiée en costume d’homme et blouse de mousseline à pois (haute couture 1971) par David Bailey qui lança sa fulgurante carrière.
Yves Saint Laurent et les femmes de sa vie
Bien qu’homosexuel, le styliste aime être entouré de femmes à commencer par la très élégante et omniprésente Loulou de la Falaise, Betty Catroux avec qui il cultive le « goût du louche », Clara Saint (attachée de presse de la ligne prêt-à-porter) et qui joua un rôle important pour l’accueil du danseur russe Rudolf Noureev par la France, Dominique Deroche (attachée de presse de la haute couture), Anne-Marie Munoz qui dirige le studio de création.
Il disait en 1997 « L’amour existe entre les femmes et moi. Les collections sont des histoires d’amour. »
Il impose les déesses noires sur les podiums
Il sera l’un des premiers (avec Paco Rabanne) à imposer des mannequins noires sur les podiums dont Mounia Orosemane ou Katoucha Niane qui disparaîtra tragiquement et Amalia Vairelli. Il aime travailler et faire défiler Violetta Sanchez qui sera aussi physionomiste aux Bains Douches qui venaient d’ouvrir. Les photographes puisent dans ces collections comme dans une malle au trésor. C’est ainsi que le géant de la photographie de mode Richard Avedon immortalise Dovima en robe Yves Saint Laurent avec les éléphants du cirque d’hiver. Tous figent les créations et l’image du couturier sur papier glacé. La blonde la plus célèbre du cinéma français, Catherine Deneuve s’adonne aux créations du couturier et se lie d’amitié avec lui. Elle lui sera fidèle jusqu’à la fin et chantera même « Ma plus belle histoire d’amour c’est vous » au dernier défilé de haute couture printemps-été 2002 à Beaubourg.
Un livre témoin du temps qui passe
Dans ce livre, tous les plus grands noms de la photographie sont associés à ces vêtements qui ont innové, bouleversé, inspiré et fait rêver plusieurs générations. Il y a deux photos qui toutefois surprennent. La première de Helmut Newton, montre Pierre Bergé derrière une vitre et sur un balcon de la maison de couture au 5 avenue Marceau (aujourd’hui, Fondation Pierre Bergé – Saint Laurent) regardant Yves Saint Laurent à l’intérieur indifférent. C’est comme si l’homme d’affaires voulait capter le regard du couturier et raviver leur amour. Idem la vision du couple par le photographe Patrick Demarchelier durant les travaux de la maison de couture transformée en fondation… Ces deux clichés sont curieusement assez tristes comme un adieu.
Le livre tout comme l’exposition valent le détour.
Christian CHARRAT
Yves Saint Laurent et la photographie – Phaidon. Avec des préfaces de Madison Cox et Christophe Wiesner et des textes d’Elsa Janssen, Simon Baker, Serena Bucalo-Mussely, Alice Morin et Clémentine Cuinet- 162 pages – 59,95€. phaidon.com
Yves Saint Laurent et la photographie, Phaidon. Avec des préfaces de Madison Cox et Christoph Wiesner et des textes d’Elsa Janssen, Simon Baker, Serena Bucalo-Mussely, Alice Morin et Clémentine Cuinet. Crédit photo : © Franco Rubartelli. Avec l’aimable autorisation de Ira Stehmann Fine Art, Munich (à gauche) © Helmut Newton Foundation / Trunk Archive- (à droite) © Yves Saint Laurent © Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent