Nelly Rodi

La première des influenceuses

Photo : Nelly Rodi © Agence Nelly Rodi

Déterminée, travailleuse et brillante

Beaucoup d’entre nous, sont atterrés par le phénomène des « influenceurs » sans majuscule… Quelle est cette plaie contemporaine qui donne la parole à n’importe qui ? Sommes-nous tombés si bas pour accorder de l’importance à des gens qui ont un quotient intellectuel en dessous du niveau de la mer ?

Nelly Rodi, n’est pas vis à vis des termes en vigueur aujourd’hui, une « influenceuse » Dieu Merci ! Elle est toutefois la grande prêtresse de ce que l’on appelle depuis longtemps « Les tendances ». La différence est fort simple à deviner, elle se résume en trois mots : intelligence, compétence et flair.

Nelly Rodi est la pionnière de ces mouvements de société qu’elle sait parfaitement analyser, disséquer pour aboutir à ce qui sera sur le marché dans deux ans, ce qu’aucune « influenceuse » n’est capable de faire…

Cette femme énergique, déterminée, travailleuse et brillante, guide les industriels sur la voie de l’avenir. Son agence éponyme compte 100 employés à travers le monde. Si elle a passé le relais à son fils, Pierre-François Le Louët, qui fut le président de la Chambre syndicale du prêt à porter féminin. Il fut fait Chevalier dans l’Ordre national des Arts et des Lettres. Nelly Rodi, est toujours omnipotente dans différents domaines. Son agence parisienne affiche un chiffre d’affaires annuel à Paris de 6 millions d’euros et emploie 30 salariés, 100 avec ses agences de Tokyo et New York.

Mais qui est-elle exactement ?

Elle est née en France à Angers, d’une mère qui était d’origine suisse allemande et qui était sage femme. Elle avait quatre ans quand ses parents décidèrent de s’installer à Alger. La situation en Algérie devint au fil des années, très tendue. Son père, restaurateur reconnu, était sur la liste rouge des gens à abattre. Un policier vint la chercher en plein milieu d’un cours, pour la mettre sous protection au commissariat. La famille dut revenir en France, et c’est sans espoir de retour, qu’elle quitta ce pays au milieu des larmes. Elle, qui avait quatorze ans, ne pleurait pas. Sa force de caractère, que l’on devine dès que l’on parle avec elle, était déjà très présente chez l’adolescente qu’elle était. Après avoir été accueillis à droite et à gauche, par des gens touchés par le sort réservé aux français expatriés et de retour d’Algérie. La famille, qui avait tout perdu, s’installa finalement à Paris. Il est amusant de noter que sa mère porte le même nom que sa fille et eut, elle aussi, une brillante carrière car elle fut Maire, puis élue Sénateur. Nelly Rodi était tentée par une carrière d’avocate pour se mettre au service de l’être humain. Mais, le sort en décida autrement car elle se présenta sur le chemin de l’emploi avec un BTS de commerce en poche. Nelly Rodi, se trouva à faire un stage pour Prisunic, chaîne de grands magasins mythiques dont Denise Fayolle, était la directrice des achats. Plus tard, Denise Fayolle et sa compagne Maïmée Arnodin, ouvrirent leur bureau de style sous le nom : Mafia, qui devint vite une référence pour toute l’industrie de la mode.

Photo : Pierre-François Le Louët © Agence Nelly Rodi

Photo : Copie conforme du piano de Frédéric Chopin © Agence Nelly Rodi

Le Chic Absolu

En 1967, elle prend la direction de l’Institut International du Coton. Le coton était considéré comme une matière de « pauvre. » Ce qui n’empêche pas Nelly Rodi de partir à l’assaut des grands couturiers. Elle commença déjà à ce moment, par créer des guides de tendances et était aussi, au sein de l’institut, chargée de la communication. Ce qui lui sied fort bien car c’est une femme chaleureuse et dynamique qui vous entraîne sans résistance dans son sillage et ses convictions. C’est par un heureux hasard, qu’elle rencontra André Courrèges pour qui elle éprouva un vrai coup de foudre platonique et artistique. Le couturier, ancien architecte, s’enticha de cette femme à la forte personnalité et elle devint son assistante, sa groupie et son bras droit.

Une carrière se bâtit grâce à un travail acharné, des rencontres mais aussi beaucoup de chance, il faut la sentir s’approcher, la séduire et s’en emparer. Nelly Rodi, admirait le couturier qui fut le premier à créer des espaces ouverts ce qu’aujourd’hui on appelle Lofts. Deux fois par an, les locaux étaient entièrement repeints en blanc car le couturier tenait à ce que son lieu de travail et de vente soit d’un blanc immaculé. Elle organise les défilés du couturier à travers le monde. C’est ainsi qu’elle se retrouve à Hong Kong et présente la collection avec, au piano, la chanteuse Patachou, grande vedette de la chanson à l’époque. Nelly, qui avait des envies d’ailleurs et surtout, de s’exprimer en son nom propre car vivre dans l’ombre d’un surdoué, peut être étouffant. Elle fait part au couturier de son intention de voler de ses propres ailes.

André Courrèges en retour, lui soumet une proposition étonnante qui prouve la haute estime qu’il avait pour elle. Il lui propose de lui louer un bureau avec une employée et de continuer à mi-temps à travailler pour lui, ce qu’elle fait jusqu’en 1977. La vie n’étant composée que de choix et de rencontres, elle fait la connaissance des propriétaires du grand magasin Franck & Fils. Le courant passa immédiatement et ils entamèrent une collaboration qui dura dix ans. De 1975 à 1985, elle est la présidente du CIM (Comité des Industries de la Mode.) Il faut préciser que les bureaux de style travaillent avec deux années d’avance voire deux ans et demi. Ce qui demande d’avoir une vision du marché sur le long terme. Nelly Rodi, faisait aussi appel au talent de la belle Mouchy pour illustrer ses cahiers de tendances (voir article sur Mouchy).

En 1985, Nelly Rodi, aidée financièrement par son mari, Jean-Michel Le Louët qui était lui, à la tête d’une importante clinique et aussi d’une maison de retraite qu’il créa de toutes pièces, ouvrit son agence sous son nom de jeune fille. De par sa profession, obstétricien, son époux l’aida avec les enfants puisque de leur union naquit trois enfants, deux jumelles et un garçon. Il était un père fort moderne participant pleinement à toutes les tâches réservées aux femmes en général, la soulageant dans son emploi du temps. Si un mari n’adhère pas aux projets de sa femme, il est difficile pour cette dernière de s’accomplir et une femme doit travailler deux fois plus qu’un homme pour s’imposer, c’est encore une triste réalité. Nelly Rodi, eut la chance d’avoir un époux émérite, aidant, aimant et comprenant ses difficultés et la supportant dans un quotidien pas toujours rose. Elle aime d’ailleurs, faire l’anagramme de rose qui veut aussi dire Oser ou Eros. Étant associée à la vie sociale et mondaine de son mari, jusque dans les années 90, elle fut considérée comme une bourgeoise mariée à un grand chirurgien. Cette forte personnalité est avant tout un entrepreneur et pas juste une épouse de… Pierre-François Le Louët a repris le flambeau et la direction de l’agence de sa mère tout en la développant avec succès. Il assainit les finances et développe l’agence avec son sens inné du marketing. Nelly Rodi, travaille aussi avec des sociologues qui soutiennent ses prémonitions et thèses, elle a non seulement structuré l’industrie de la mode mais l’a obligée à réfléchir sur son devenir.

Elle travaille pour le salon Première Vision, les Dentelles de Calais, etc. Suite au succès de Première Vision, elle rencontre Patrick Lecetre qui lui propose de collaborer à la naissance de Maison & Objet. La mode est le bras droit de la décoration et ces deux là étaient faits pour se rencontrer. Au fil des saisons, le salon Maison & Objet s’est imposé dans le monde entier. Ce salon s’appelait au tout début Scènes d’intérieurs. Les compétences de l’agence Nelly Rodi se sont étendues à : la décoration, les cosmétiques, les conseils en stratégies, la gastronomie, etc. L’agence occupe aujourd’hui, le très bel hôtel particulier Cromot du Bourg où le musicien Frédéric Chopin composa sur un piano dont la copie accueille les visiteurs. Cette grande dame est Vice-Présidente de la CCI de Paris et Ile de France depuis douze ans. Présidente de LA FABRIQUE (École de formation sur le cuir, le vêtement, le merchandising.) Présidente depuis des années du R3LAB qui finance différents projets. Administrateur de l’IFM (Institut Français de la Mode) et de l’ENSAD (École nationale supérieure des Arts Décoratifs.) Administrateur du Comité d’Échanges Japonais. Elle est aussi Officier de la Légion d’Honneur, Officier du Mérite et Officier des Arts et des Lettres. Son palmarès est bluffant, sa vie est un roman.

Ferait-elle les mêmes choix si c’était à refaire ? Absolument !

PS/ Pour les esthètes en tous genres, Nelly Rodi, organise le 27 juin à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine 1 place du Trocadéro et du 11 Novembre une conférence sur, Les nouvelles définitions du Beau. Seront présents entre autres : Raphaël Enthoven, Émilie Metge Viargues, Guillaume Houzé, Paul Mouginot.

Plus d’information sur le site.

C.C

Agence Nelly Rodi – 9 Rue Cadet, 75009 Paris – Tél : 33 +(0)1 42 93 04 04

nellyrodi.com