Ralph Lauren

Le + américain des couturiers

Un vendeur hors pair

Le couturier star est le sujet de la biographie de Jérôme Kagan parue récemment aux Éditions Séguier. Indépendamment de budgets publicitaires colossaux, on parle de 250 millions de dollars annuels, la marque Ralph Lauren s’est imposée comme le reflet de l’art de vivre à l’américaine. Car jamais un styliste n’avait si exactement capturé l’essence du mythe américain. Par une mystérieuse alchimie, Ralph Lauren a su s’approprier chacune de ces facettes pour les réunir dans un vestiaire à l’élégance irréprochable. Le look charriots de feu , collège ou western qui se conjugue avec celui des Hamptons, la chemise en jean sous une veste croisée, un polo rose dépassant d’un pull en maille coton vert pour un look preppy…

En matière de style, le créateur n’a aucun tabou. Il peut se flatter d’habiller avec un même naturel le Gatsby de Fitzgerald, la sportive des terrains de tennis comme le dernier cow-boy du Montana. Toutes les boutiques Ralph Lauren dans le monde sont à l’identique, même atmosphère de luxe relax, même esprit chic. On y pénètre comme on entrerait dans la maison d’amis, certes nantis, mais au savoir-vivre affirmé et au goût sûr. Ralph Lauren a inventé le marketing de mode avec une exigence totale, tout est pensé, millimétré, du vêtement au concept pour créer la quintessence du style de vie américain, le reflet parfait de la famille idéale.

Pourtant l’histoire intime de cet homme n’est pas très connue du grand public et Jérôme Kagan s’attache à faire connaître l’ascension de cet homme parti de rien et qui a su bâtir un empire.

Fasciné par le film Sabrina de Billy Wilder

Le petit Ralph, de son vrai nom Ralph Lifshitz, voit le jour le 14 octobre 1939, il a deux frères et une sœur. Ses parents ont fui avec leurs proches la guerre russo-polonaise (1912-1921) et ont trouvé refuge à New York. Dans la famille Lifshitz, les enfants sont inscrits dans une yeshivah où on leur apprend l’hébreux et leur enseigne l’étude de la Torah et le Talmud. Les distractions consistent à jouer au baseball et surtout, à aller au cinéma à deux pas de leur domicile, ce qui jouera un rôle primordial dans le futur. Car Ralph rêve en regardant Cary Grant, Gregory Peck, les deux Hepburn : Audrey et Katarine.  Son film favori est Sabrina de Billy Wilder, il entretient ses rêves de richesse et de reconnaissance…

N’étant pas doué pour les études, à dix-neuf ans il travaille pour le grand magasin Allied Stores et doit ratisser le Garment district (l’équivalent du Sentier à Paris) pour trouver des ateliers susceptibles de réaliser des commandes.  Entre-temps, il change son nom en Ralph Lauren.  En 1960, il obtient le poste de vendeur éphémère chez Brooks Brothers. L’institution américaine est le temple du chic pour les riches mâles américains. 

Il échappe à la guerre au Vietnam en raison d’une blessure à la jambe et signe un contrat avec une société bostonienne qui fabrique des cravates, foulards et nœuds papillons pour l’élégante clientèle de la Nouvelle-Angleterre.  Son look hésitant entre le duc de Windsor et Fred Astair ne passe pas inaperçu et il s’en sert comme d’un passeport pour gravir les échelons dans la société.

Ricky Low-Beer, la femme de sa vie

En 1964, il séduit la secrétaire médicale d’un ophtalmologue, une certaine Ricky Low-Beer.  Malgré le fait que Ralph soit un excellent vendeur, le couple a du mal à joindre les deux bouts car il dépense beaucoup en vêtements et accessoires de mode et dans les endroits où il faut être vu.  Le paraître aux États-Unis est une seconde identité. On appelle les jeunes gens ambitieux, issus des milieux populaires, des « Wannabe » (ceux qui veulent devenir riches ou célèbres et qui en attendant la chance, sont serveurs dans les restaurants ou bars). À l’opposé, sont les « Preppys », jeunes gens de la riche société américaine et dont Ralph Lauren vénère le style vestimentaire.

La chance est de son côté, il lance une collection de cravates avec l’aide de la marque Beau Brummell.  Ses cravates sont plus larges que celles que l’on trouve sur le marché mais réalisées dans des matières luxueuses avec des motifs assez voyants.  Il avoue cependant ne rien connaître à la couture, ni aux tissus, il ne sait pas dessiner mais il est un vendeur hors pair et le succès arrive enfin. Son entreprise grandit vite. Le 18 octobre 1968, il crée la société Polo Fashion Inc et décide de présenter sa première collection masculine étiquetée « Polo by Ralph Lauren ». Il est le premier styliste à avoir son corner dans le célèbre magasin Bloomingdale’s à New York, dont on dit à l’époque : « Les bonnes filles vont au Paradis, les autres chez Bloomingdale’s… » »

En 1972, il s’attaque au marché féminin et la collection, basée sur les mesures de son assistante Buffy Birritella, est une source de problème. La gamme ne convient qu’à des femmes très minces.  Malgré ces problèmes de taille et de commercialisation, le succès est encore au rendez-vous. Pourtant en 1971, la situation de l’entreprise est catastrophique ! Débarrassé de son actionnaire majoritaire, Ralph Lauren récupère son empire en mauvaise posture. Il vend alors des licences et s’en sort. Il joue également la carte « parfums » et mise gagnant avec un jus masculin devenu célèbre dans le monde entier, Polo, qui talonne le parfum Joy de Jean Patou, N°1 des ventes mondiales.

Une identité unique

Le couturier reçoit au fil de sa carrière de nombreuses récompenses et décorations. Il s’inspire des influences propres aux américains, le western avec les cow boys, les indiens et leur folklore, le cinéma et ses stars légendaires. Ralph Lauren est aujourd’hui à la tête d’une fortune personnelle estimée à 6 milliards de dollars alors que celle du Kaiser Karl Lagerfeld, était estimée à « seulement » 300 millions d’euros…

On regrette toutefois que cette biographie mette plus l’accent sur la réussite financière de l’homme plutôt que sur ses véritables émotions…Et sur ses réalisations exceptionnelles basée sur la combinaison d’un riche héritage américain, d’un artisanat exquis, d’un souci du détail à tous les points de contact sur tous les canaux et d’un haut niveau de qualité dans l’élaboration et l’exécution d’un univers de marque distinct qui lui a conféré une identité unique dans le monde de la mode et du lifestyle.

Sylvie di Meo

Ralph Lauren – Un rêve d’Amérique – Éditions Séguier – 192 pages -19 € – editions-seguier.fr

 

Devant la bibliothèque dont le concept d’étagères en fines lames de métal rapprochées a été imaginé par Karl Lagerfeld. © François Coquerel 

Dans le studio photo derrière la librairie 7L, rue de Lille en 2016. © A. Schorr / ullstein bild via Getty Images

 

Le styliste pose à sa table de travail, avec au premier plan, son verre favori en cristal de Lalique avec un fond de Coca. © Horst P. Horst / Condé Nast / Shutterstock

 

Le bureau de Karl Lagerfeld où il reçoit et travaille, est meublé de sièges de Boivinet à structure tubulaire. © Horst P. Horst / Condé Nast / Shutterstock

Contrechamp de la vue du salon avec le ring de Masanori Umeda et le fauteuil de George Sowden au premier plan. © Jacques Schumacher

Karl Lagerfeld pose devant un bureau à gradin en placage d’amarante et acajou, attribué à Jean-François Oeben. © Fotex / Shutterstock

Ralph Lauren

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