Vivian maier & RSF

On ne dira jamais assez que les livres de Reporters Sans Frontières, en plus d’être beaux, sont (très) utiles. Il suffit de se tourner vers les États-Unis pour voir à quel point les journalistes sont accusés de tous les maux par l’administration Trump. Pour l’instant, on ne les emprisonne pas encore, ce qui n’est pas le cas en Egypte où le photojournaliste Shawkana a passé cinq ans en prison et cinq autres années en « liberté » sous surveillance. En Azerbaïdjan, la jeune journaliste Sevinj Vagifgizi, est emprisonnée depuis un an et menacée de douze ans de réclusion. En Syrie, c’est la blogueuse Tal al-Mallouhi qui a été emprisonnée durant quinze années sous le régime de Bachar al-Assad, tyran aujourd’hui réfugié chez son ami Vladimir Poutine… Au Soudan, le conflit a obligé les journalistes de Al-Jarida à quitter le pays. Que dire du couple Daniel Ortega et Rosario, les Ubu du Nicaragua qui ne sont pas sans rappeler le couple Ceausescu en Roumanie, on sait comment ils ont finis … 

Une gouvernante surprenante

Dans cette dernière édition, le choix de Reporters Sans Frontières pour son ouvrage 100 photos pour la liberté de la presse, s’est porté sur la photographe américaine Vivian Maier avec un avant-propos touchant de la romancière Camille Laurens. Nettement moins connue du grand public que Richard Avedon, Elliott Erwitt ou Sebastiao Salgado qui hélas, nous a quitté très récemment. Cette femme discrète, nounou et gouvernante de son état a arpenté les rues de New-York et de Chicago appareil photo en bandoulière menant dans l’ombre une entreprise magistrale. Une série de hasards improbables a mis à jour ses milliers de clichés (140.000 !) cadrages saisissants, instants suspendus, regard acéré… Une découverte pour les néophytes pleine d’émotions. 

Curieuse, elle arpente les rues à l’affut d’un bon cliché

Cette femme d’aspect sévère est née à New York en 1926. Elle réalise ses premières photos au début des années 50 en France, car sa mère en est originaire. Employée comme gouvernante et ce durant quarante années, elle passe ses moments de loisir à arpenter les rues de New York puis de Chicago où elle réside jusqu’à sa mort en 2009 à l’âge de 83 ans. Son œuvre est aujourd’hui reconnue grâce à John Maloof. Agent immobilier en recherche de photographies sur Chicago pour un projet d’ouvrage, il fait l’acquisition des archives de Viviane Maier vendues aux enchères. Fasciné par la qualité des images qu’il découvre dans les cartons, il les partage sur Internet et documente son enquête dans un film À la recherche de Viviane Maier (nommé aux Oscars en 2013).   

Adepte des autoportraits, elle ne fait un genre à part

Elle travaille d’abord le noir et blanc et passe ensuite à la couleur. Si ses cadrages sont toujours réussis, elle émeut un peu moins avec son travail coloré. Elle fait de l’autoportrait un genre à part en se photographiant dans des vitrines, des reflets, des jeux d’ombres. Elle est la précurseure des selfies dont les gens sont si friands de nos jours. On la sent au travers de ses clichés, moqueuse vis-à-vis des riches américains mais débordante d’empathie avec les plus démunis. 

Anne Morin, commissaire d’exposition dit d’elle : « C’était une invisible, toujours à contretemps, qui comme Rilke avait commencé sa vie dans de mauvaises conditions et qui rétablissait l’équilibre, non pas en écrivant, mais en réalisant ses images photographiques ». 

Christian CHARRAT

100% des bénéfices de la vente des albums financent les actions de RSF de manière concrète. Chaque Album vendu permet de défendre, partout dans le monde, l’indépendance et la fiabilité du journalisme.

Exposition – « Vivian Maier, Au bord du monde » jusqu’au 2 novembre 2025 à la Maison des Douanes – Saint-Palais-sur-Mer – Entrée 2 €

Viviane Maier – 100 Photos pour la liberté de la presse – Reporters Sans Frontières – pages 12,50 € – rsf.org